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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 36e Législature
Volume 137, Numéro 110

Le jeudi 11 février 1999
L'honorable Gildas L. Molgat, Président


LE SÉNAT

Le jeudi 11 février 1999

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

L'Île-du-Prince-Édouard

Le College of Piping and Celtic Performing Arts of Canada-Le rapport Williams sur le gaspillage de deniers publics

L'honorable Catherine S. Callbeck: Honorables sénateurs, je prends aujourd'hui la parole à propos d'une affaire qui a suscité des réactions dans ma province, soit le document appelé «Rapport sur le gaspillage» que le député réformiste John Williams a publié récemment. Dans son document au style ampoulé, M. Williams prend un malin plaisir à reprocher au gouvernement fédéral de soutenir certains projets. Or, l'un des projets signalés par M. Williams constitue une des plus grandes réussites - sur les plans de l'éducation, de la culture et du tourisme - que l'on puisse trouver au Canada.

C'est avec une grande fierté que j'ai vu le College of Piping and Celtic Performing Arts of Canada, établi à Summerside, se mériter depuis deux ans une reconnaissance internationale. Ce collège compte maintenant plus de 340 étudiants inscrits, venus de tous les coins du monde, d'aussi loin que l'Australie, la Nouvelle-Zélande, la Floride, Vancouver et même l'Écosse.

Cette excellente institution a grandi et prospéré au rythme de sa réputation internationale. Dans sa sagesse, cependant, M. Williams a jugé bon de considérer la subvention fédérale de 125 000 $ accordée au College of Piping comme un gaspillage d'argent. Il omet de dire que cet argent a été accordé à condition que le collège recueille en contrepartie un quart de million de dollars pour exercer ses activités. Il omet de dire que cet argent servira à la production de 40 manifestations différentes au collège cette année. Il a omis également de préciser que plus de 20 000 personnes assisteront à ces manifestations qui feront bénéficier la ville de retombées économiques de plusieurs centaines de milliers de dollars.

Je soutiens que cette institution mérite amplement l'aide du gouvernement.

L'année dernière, lors du plus prestigieux concours de cornemuse au monde, le gagnant du titre de meilleur joueur soliste de cornemuse a été un professeur du collège, tandis qu'un étudiant du collège de 18 ans remportait la deuxième place.

(1410)

Comme vous le savez sans doute, la population de ma province est composée presque entièrement de gens d'origine celte dont 45 p. 100 environ sont d'ascendance écossaise. La culture, sous toutes ses formes, est très importante. Elle mérite d'être appuyée. Comme le dit le vieil adage, si nous ne savons pas d'où nous venons, comment savoir où nous allons?

M. Williams nuit à tous les Canadiens quand il prétend que c'est du gaspillage de donner des fonds à cet établissement. Ce que M. Williams a fait est malheureux et égoïste, et il est évident qu'il est mal renseigné.

Je l'invite personnellement à assister au rassemblement des Highlands qui aura lieu cet été à Summerside, au College of Piping, à l'Île-du-Prince-Édouard. Je suis fermement convaincue que s'il avait l'occasion de faire lui-même l'expérience de cette merveilleuse institution et d'être témoin de ce qu'elle représente pour les gens de l'Île-du-Prince-Édouard et pour les touristes, il changerait rapidement d'idée sur son importance.

Terre-Neuve

Les Jeux d'hiver du Canada de 1999

L'honorable Ethel Cochrane: Honorables sénateurs, le 20 février, à l'occasion des Jeux d'hiver du Canada, la région ouest de Terre-Neuve accueillera plus de 2 600 athlètes et quelque 800 entraîneurs et directeurs d'équipe en provenance de toutes les provinces et territoires. C'est un contingent d'athlètes plus important que celui qui s'est rendu l'an dernier à Nagano, au Japon, pour les Jeux olympiques d'hiver. C'est la première fois que les Jeux d'hiver du Canada ont lieu dans la province de Terre-Neuve et du Labrador.

Nous attendons avec plaisir participants et spectateurs, à qui nous garantissons quinze jours de sport et de divertissement de qualité. Les jeux seront centrés à Cornerbrook, mais il y aura des épreuves à Stephenville, Deer Lake, Steady Brook et Pasadena.

Les Jeux d'hiver du Canada sont la manifestation multidisciplinaire la plus importante du pays. Du 20 février au 6 mars, il y aura des compétitions dans 21 sports. Au total, la région hôte sera la scène de 135 épreuves sportives.

Il y aura donc plus d'athlètes qu'aux Jeux olympiques de Nagano, et nous nous contenterons d'un budget d'à peine 38 millions de dollars, alors que les Jeux olympiques d'hiver de l'année dernière ont coûté plus d'un milliard de dollars.

Corner Brook, Stephenville et d'autres collectivités s'attendent à accueillir 150 000 participants aux manifestations sportives et plus de 25 000 visiteurs de l'extérieur de la région. L'excellente compétition athlétique sera accompagnée d'activités sociales et d'animation. La population de l'ouest de Terre-Neuve s'apprête à ménager un accueil mémorable à ses visiteurs venus de loin.

Honorables sénateurs, je sais que vous attendez avec impatience la fin de l'hiver mais, d'ici le 6 mars, je vous invite à vous joindre à moi pour souhaiter de la neige, des températures hivernales et d'excitants Jeux d'hiver du Canada de 1999.

[Français]

La Semaine de la citoyenneté et du patrimoine

L'honorable Lucie Pépin: Honorables sénateurs, comme l'a si bien souligné mardi notre collègue, le sénateur DeWare, nous célébrons la Semaine de la citoyenneté et du patrimoine.

Je me réjouis, non seulement en tant que sénateur, mais aussi en tant que Canadienne, car je suis très fière de notre pays et de ses nombreuses réussites.

[Traduction]

Le Canada est un pays où il fait merveilleusement bon vivre. Nous nous devons de réfléchir à notre passé et à ce que représente le fait d'être Canadien. Il importe que, collectivement, nous cherchions à mieux nous comprendre les uns les autres, à saisir nos valeurs communes et à reconnaître le chemin que nous avons parcouru ensemble jusqu'à aujourd'hui.

Tournons-nous vers notre passé et sachons nous féliciter de que nous avons accompli en tant que nation. Nous pourrons ainsi renforcer notre sens de la citoyenneté et de la communauté de but et travailler collectivement au façonnement de la société que nous souhaitons pour demain.

Le Canada possède un patrimoine exceptionnellement riche et varié. Son histoire a été écrite par de nombreuses populations différentes, qu'il s'agisse des membres des Premières nations, des explorateurs européens, des premiers colons, ou encore des dizaines de milliers de femmes et d'hommes courageux qui sont venus dans notre pays des quatre coins du monde.

[Français]

Notre pays trouve son pouvoir d'inspiration à la fois dans l'imposante beauté de cette terre qui est la nôtre et dans la détermination avec laquelle les Canadiens et les Canadiennes, depuis des générations, la façonnent pour construire la patrie de leurs rêves.

[Traduction]

Je suis particulièrement heureuse, par exemple, que le public commence à apprécier l'immense apport des Premières nations. Depuis le jour où ils ont tendu une main secourable aux premiers explorateurs européens jusqu'à celui où ils ont combattu avec courage et solidarité pour le Canada dans les deux guerres mondiales, les membres des Premières nations ont joué un rôle capital dans le développement de notre pays.

Je me réjouis également qu'un plus grand nombre d'entre nous apprennent à considérer la dimension féminine de l'histoire du Canada, car l'expérience des femmes s'ajoute à celle des hommes.

Marie de la Tour, Marguerite Bourgeoys, Molly Brant: toutes étaient courageuses et aventureuses. C'était aussi le cas de Susanna Moodie, Catherine Parr Traill.

[Français]

Leur vie, semblable à bien d'autres, conjointement avec l'expérience des communautés culturelles qui composent la mosaïque canadienne, forment notre patrimoine commun. Ces vies, nous devrions apprendre à les raconter et, à l'occasion, à les célébrer.

Honorables sénateurs, la Semaine de la citoyenneté et du patrimoine met également en lumière le rôle indispensable que l'immigration a joué dans le façonnement de notre pays.

Nous savons tous, chers collègues, que les vagues successives d'immigration ont renforcé notre économie et, en grande partie, fait du Canada ce qu'il est aujourd'hui: une société dynamique, prospère et multiculturelle. Français, Anglais, Irlandais, Hollandais, Ukrainiens, Chinois, Vietnamiens, Ougandais, Somaliens et bien d'autres - ils ont quitté leurs patries et, pour une raison ou une autre, sont venus chercher un sort meilleur au Canada.

Tous et toutes ont apporté avec eux le rêve du pays où ils souhaitaient vivre.

[Traduction]

Et ces rêves ont modelé le Canada. Quelques détails ont changé au fil du temps, mais les valeurs fondamentales sont restées les mêmes: justice, égalité et respect des droits fondamentaux sont devenus la marque distinctive de notre société canadienne.

[Français]

Honorables sénateurs, il est important de prendre un moment pour réfléchir à ce que cela signifie que d'être Canadien. Quelle responsabilité avons-nous envers notre pays? Quel genre de société souhaitons-nous devenir à l'aube du millénaire?

Honorables sénateurs, je souhaite ardemment que les Canadiens et les Canadiennes profitent de cette semaine pour réfléchir non seulement au passé, mais aussi à l'avenir. Égalité, tolérance, partage et compassion: telles sont les pierres angulaires d'une économie prospère et d'un tissu social sain. En somme, ce sont les assises d'un avenir brillant et durable.

Célébrons notre passé, façonnons notre avenir et parlons-en.

Les pêches et les océans

La création d'une nouvelle zone pour la pêche du crabe des neiges

L'honorable Fernand Robichaud: Honorables sénateurs, je reprends la parole aujourd'hui pour vous parler une deuxième fois du crabe des neiges.

Les pêcheurs côtiers du Nouveau-Brunswick et de la Gaspésie demandent la création d'une nouvelle zone de pêche dans laquelle ils pourraient pêcher le crabe des neiges.

Présentement, ce privilège est réservé à une certaine catégorie de détenteurs de permis qui sont les seuls à exploiter cette ressource très lucrative et abondante dans la zone 12.

Alors que plus de 1 700 pêcheurs côtiers pratiquent leur métier dans des conditions difficiles, ils n'ont pas accès à cette ressource où une quantité appréciable de crabes meurent en raison du vieillissement chaque année.

Les territoires de pêche de la zone en question s'étendent de la côte sud de la Gaspésie jusqu'à l'est du Nouveau-Brunswick. Ils comprennent la baie des Chaleurs et la vallée de Shédiac.

Une demande de création de nouvelle zone a été officiellement soumise au ministre des Pêches et des Océans en mars 1998. La zone proposée est déjà dominée par la pêche côtière.

Selon les informations provenant de la demande, le homard représente 70 à 80 p. 100 de la valeur totale des débarquements de la flottille côtière. Bien que la zone de pêche côtière constitue déjà le territoire de pêche traditionnel pour une importante flotte de pêcheurs, il serait plus que justifiable que ces territoires de pêche soient officiellement reconnus comme zone côtière.

Une telle reconnaissance pourrait permettre et surtout assurer l'accès à un bon nombre d'espèces présentes dans cette zone, et permettrait également de procéder à une planification à long terme afin de ne plus dépendre autant de la pêche au homard.

Les pêcheurs côtiers auraient accès à une part équitable de cette ressource au lieu de continuer à permettre à un nombre restreint de détenteurs de permis d'exploiter de façon très lucrative cette pêche aux crabes.

De plus, les usines augmenteraient leur production et auraient besoin de plus de travailleurs et de travailleuses pour répondre au besoin. Cette situation profiterait à tous et à toutes.

Des recommandations ont également été faites en vue d'instaurer une commission de gestion mixte pour concilier les besoins des pêcheurs et de leur communauté en adoptant une pratique responsable et durable de la gestion des ressources.

Le crabe des neiges est la seule espèce commerciale qui se porte bien dans la zone côtière proposée et à laquelle les pêcheurs côtiers n'ont pas accès, ce qui est inacceptable compte tenu de son abondance et du fait que les crabes meurent de vieillesse.

De plus, les pêcheurs côtiers du Nouveau-Brunswick et du sud de la Gaspésie sont les seuls pêcheurs côtiers de tout le golfe du Saint-Laurent à ne pas avoir accès à la pêche au crabe des neiges. Le Nouveau-Brunswick est la seule province au Canada atlantique qui n'a pas de zone côtière pour la pêche au crabe des neiges.

Honorables sénateurs, c'est pourquoi je réaffirme mon appui aux démarches pour la création d'une nouvelle zone de pêche pour les pêcheurs côtiers. En acceptant la création de la zone de pêche proposée ainsi que son accès aux pêcheurs côtiers, nous mettons en pratique ce que nous prêchons, soit une distribution équitable de la ressource qui appartient aux communautés qui en dépendent.


AFFAIRES COURANTES

L'ajournement

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'article 58(1)h) du Règlement, je propose:

Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, il demeure ajourné jusqu'à mardi prochain, le 16 février 1999, à 14 heures.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

[Traduction]

Le discours du budget

Les places réservées aux sénateurs à la tribune des Communes

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, avant de passer à la période des questions, je vous rappelle que le discours du budget sera prononcé à 16 h 15, le mardi 16 février 1999. Comme le veut la coutume, seuls les sénateurs auront accès à la tribune du Sénat à la Chambre des communes de sorte que tous les sénateurs qui souhaitent assister à la présentation du budget auront une place.

PÉRIODE DES QUESTIONS

Les affaires étrangères

L'absence du premier ministre aux funérailles du roi Hussein de Jordanie-L'établissement de l'emploi du temps par le CPM-Le rôle du chef d'état-major de la Défense

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint suppléant de l'opposition): Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Le leader pourrait-il nous dire qui, au cabinet du premier ministre, est responsable d'établir l'emploi du temps du premier ministre?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je suppose que c'est un groupe de personnes, selon l'événement en particulier. Je suppose que c'est le directeur des opérations.

Le sénateur Kinsella: Le leader pourrait-il nous préciser qui, au cabinet du premier ministre, informe le ministère de la Défense nationale lorsque le premier ministre a besoin d'un avion de la Défense?

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, je n'en suis pas certain, mais je suppose que c'est le directeur des opérations. Je peux me renseigner et fournir la réponse appropriée.

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, le leader du gouvernement ne croit-il pas que certaines personnes au cabinet du premier ministre doivent signaler dans les délais voulus aux divers organismes gouvernementaux, qu'il s'agisse du Service de sécurité, de la GRC ou du ministère de la Défense nationale, qu'on a besoin de leurs services?

Le sénateur Graham: Oui, je suppose que quelqu'un doit leur donner un préavis.

Le sénateur Kinsella: Le ministre pourrait-il expliquer au Sénat pourquoi une erreur aussi grave que celle-ci a été commise, une erreur qui a empêché le premier ministre de se rendre à Amman à temps pour les funérailles du roi, et qui place vraiment notre pays dans un grand embarras et, sans aucun doute, le premier ministre également?

Le sénateur Graham: Je ne suis pas au courant des négociations complexes qui ont eu lieu ni des messages échangés entre le cabinet du premier ministre et les Forces canadiennes, mais je sais que le chef d'état-major de la Défense, le général Baril, a fait une déclaration hier et je vais m'en tenir là.

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, en ce qui concerne la déclaration du chef d'état-major de la Défense hier, je crois que la plupart des Canadiens trouvent tout à fait embarrassant et inconvenant que le général Baril serve de bouc émissaire au premier ministre.

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, il est tout à fait injuste de qualifier le général Baril, un grand soldat, de «bouc émissaire». Il s'est taillé une réputation enviable dans les forces armées au Canada et à l'étranger.

On ne devrait en aucun cas le qualifier de bouc émissaire. On ne peut douter de sa valeur. Je le crois sur parole.

Les pêches et les océans

Le rapport sur les collectivités de pêcheurs de la côte Ouest-La véracité de la version publiée-La position du gouvernement

L'honorable Gerald J. Comeau: Honorables sénateurs, le leader du gouvernement au Sénat est-il au courant du fait que le ministère fédéral des Pêches et des Océans a retenu récemment le rapport préparé à la suite d'une étude importante sur les collectivités de pêcheurs dévastées de la côte Ouest pour publier par la suite une version édulcorée de ce même rapport dans laquelle on avait omis certaines des critiques les plus virulentes qui figuraient dans le rapport initial.

Selon un article publié le 5 février dernier dans le Globe and Mail, l'auteur du rapport, G. S. Gislason, aurait affirmé que la version finale du rapport comportait des incohérences ainsi que des recommandations qu'il n'avait pas faites. «C'est, selon lui, presque un faux.»

Voici quelques-unes des conclusions contenues dans le rapport initial mais omises dans le rapport final: le programme actuel d'aide gouvernementale ne profite pas aux collectivités de pêcheurs de la côte Ouest; les consultations tenues par le ministère des Pêches sont symboliques et visent davantage un but de relations publiques que la collecte d'opinions; et les pertes d'emplois dans le secteur de la pêche au saumon atteindront 15 500 en 2000, soit le double du nombre enregistré en 1997.

Ma question à l'intention du leader du gouvernement au Sénat est la suivante: puisque ces recommandations ébranlent la confiance des Canadiens dans une fonction publique qui a une longue et fière tradition au Canada, quelles mesures le gouvernement entend-il prendre pour s'assurer que le ministère n'agira plus de la sorte dans l'avenir?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je suis d'accord avec le sénateur Comeau pour dire que la fonction publique canadienne jouit d'une longue et fière tradition au pays.

Je n'ai pas entendu dire que le rapport aurait été publié sous une forme édulcorée. Je suis sûr qu'il tombe à point et que le sujet est très intéressant.

Le sénateur Comeau s'est attiré à plusieurs reprises des compliments de tous les côtés de notre Chambre pour son bon travail en tant que président du comité sénatorial permanent des pêches. Il se pourrait bien que ce rapport doive être soumis à l'examen du comité des pêches.

Le sénateur Comeau: Honorables sénateurs, je remercie le ministre de ses propos élogieux.

En fait, le rapport est très critique à l'égard de certaines mesures prises par le ministère. La suppression de certains passages du rapport qui étaient critiques envers le ministère a préoccupé un peu l'auteur, puisque son nom figurait toujours sur le rapport. Il ne voulait pas être complice de cela.

La perte de 15 500 emplois additionnels aurait d'énormes conséquences. Ce chiffre de 15 500 pertes d'emplois prévues par l'auteur du rapport, en raison des problèmes que connaît le secteur des pêches de la côte Ouest, correspond-il aux prévisions du gouvernement? Ce chiffre est-il exact? Si oui, le gouvernement prendra-t-il des mesures pour réagir aux problèmes que cela causera dans les localités touchées?

Le sénateur Graham: Oui, honorables sénateurs, le gouvernement a déjà accordé une aide financière au secteur de la pêche sur la côte Ouest.

Le sénateur Comeau demande si le chiffre de 15 500 pertes d'emplois qui a été avancé est conforme au chiffre dont dispose le ministère des Pêches et des Océans. Il faudra que je me renseigne à ce sujet.

Si le ministère des Pêches et des Océans estime qu'il serait souhaitable de donner des éclaircissements au sujet de l'étude antérieure que le sénateur a mentionnée, je serais certes très heureux de présenter ce rapport.

La défense nationale

Le programme de remplacement des hélicoptères de recherche et de sauvetage-L'attribution de fonds pour l'amélioration de la flotte de CF-18-La priorité du programme-La position du gouvernement

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, j'ai posé hier une question concernant la capacité de recherche et de sauvetage au Canada et notre capacité de remplacer la flotte vieillissante d'hélicoptères Labrador.

Des sources au sein de l'organisation de la défense nationale du Canada, auxquelles je me fie depuis de nombreuses années, m'ont informé que le ministre de la Défense nationale ignorait qu'un montant de 1,2 milliard de dollars traînait dans le budget, et qu'on ne s'en est aperçu qu'à la suite de la prise de renseignements en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

On me dit également, et je suis d'accord là-dessus, que cette situation résulte probablement d'une politique au sein des Forces canadiennes qui fait passer les intérêts des pilotes de F-18 avant ceux des pilotes d'hélicoptère.

Le ministre pourrait-il s'en assurer? Pourrait-il ensuite expliquer au Sénat pourquoi cet argent n'a pas servi à acheter des hélicoptères EH-101 pour remplacer les Labrador vieillissants et atténuer ainsi les pressions déraisonnables imposées aux Sea King, qui doivent actuellement répondre à presque 60 p. 100 des appels dont les Labrador devraient se charger?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je ne crois pas qu'un montant aussi élevé que 1,2 milliard de dollars puisse passer inaperçu aux yeux du ministre de la Défense nationale. En outre, je ne pense pas qu'on pourrait engager une dépense de 1,2 milliard de dollars pour réparer et améliorer les CF-18, sans que le ministre en soit informé et l'approuve expressément.

J'hésiterais beaucoup à monter les pilotes d'une section des forces armées contre ceux d'une autre section. Nous devrions exercer des pressions, sénateur Forrestall, afin d'encourager le gouvernement à faire le nécessaire pour fournir au personnel des forces armées le matériel dont il a besoin.

Je le répète, nous avons déjà ordonné le remplacement des Labrador. Le ministre et le ministère cherchent maintenant à déterminer quelle serait la meilleure façon de procéder à celui des Sea King. J'espère que nos efforts conjugués seront à la satisfaction tant du personnel des forces armées que des Canadiens en général.

Le sénateur Forrestall: Honorables sénateurs, le ministre nous dira peut-être la semaine prochaine d'où vient cette somme de 1,2 milliard de dollars. Il sait fort bien, et les Canadiens le savent aussi, que cet argent devrait servir à acquérir du matériel de recherche et de sauvetage.

Nous ne tenons pas à parler de ce que M. Gates a écrit dans son journal à propos de ce matériel. Nous connaissons désormais la vérité. D'où vient cette somme de 1,2 milliard de dollars?

Le sénateur Graham: Des ressources du ministère de la Défense nationale.

Le sénateur Forrestall: Bien sûr. Pourquoi n'ont-ils alors pas été employés correctement?

Les affaires étrangères

La visite de la délégation russe-L'aide pour soulager la famine-La position du gouvernement

L'honorable Leonard J. Gustafson: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Hier soir, d'autres sénateurs et moi avons rencontré les membres d'une délégation russe dirigée par le ministre russe de l'Agriculture. Le Parlement du Canada a été informé de bien tristes faits. On nous a parlé sans ambages d'une économie en ruine et d'un pays quasi dominé par la mafia. À cause de la sécheresse, la production de blé a chuté, passant de 90 millions de tonnes qu'elle est habituellement à 40 millions de tonnes. La famine fait des ravages.

Pendant des années, la Russie a acheté de grandes quantités de céréales du Canada. Nous avons actuellement une production excédentaire de blé. Le leader du gouvernement au Sénat pourrait-il transmettre au Cabinet une proposition qui, à mon avis, recevrait l'appui de nombreux sénateurs, y compris le sénateur Stewart, qui présidait la réunion? Selon cette proposition, le Canada devrait fournir cet excédent de céréales à la Russie, sous forme d'aide ou dans le cadre d'un prêt à long terme.

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je félicite le sénateur Gustafson pour son intervention opportune et pour son intérêt constant, non seulement à l'égard de la situation dramatique résultant de la chute du revenu agricole dans l'Ouest du Canada, mais aussi à l'égard de ce qui se passe sur la scène mondiale. En tant que pays le plus beau du monde et le plus chanceux, nous avons des responsabilités.

L'honorable sénateur a parfaitement raison de parler de l'effondrement de l'économie en Russie. La délégation russe et ses porte-parole ont fait des exposés très convaincants pour attirer l'attention sur la famine qui sévit dans leur pays.

Pour des raisons d'ordre humanitaire, entre autres, je me ferai un plaisir de transmettre les instances du sénateur Gustafson au premier ministre, au ministre des Affaires étrangères, au ministre du Commerce international et au ministre de l'Agriculture.

(1440)

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, le ministre pourrait peut-être préciser en même temps qu'un grand nombre des 18 sénateurs qui ont assisté à la réunion - c'était d'ailleurs le plus fort contingent sénatorial dans l'histoire de ce groupe parlementaire qui n'est pas officiellement financé par le Parlement - et des 19 députés qui se sont présentés, mais ont dû retourner à la Chambre, ont exprimé des points de vue exempts de tout sectarisme. L'opinion exprimée par le sénateur Gustafson est partagée par un grand nombre de parlementaires. Le sénateur Gustafson a décidé d'intervenir aujourd'hui, mais beaucoup de ceux qui étaient présents épousent ses vues. Si le leader souhaite avoir la liste, je me ferai un plaisir de la lui communiquer.

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, je serais heureux de savoir qui a assisté à la réunion et je félicite nos collègues qui l'ont fait.

Je saisirai de la question ceux que j'ai énumérés tout à l'heure. Il y a de longues années, et je suis sûr que le sénateur Prud'homme était présent, un homme qui était alors responsable de l'agriculture et qui est ensuite devenu président de l'Union soviétique, M. Mikhail Gorbatchev, est venu au Canada. Le sénateur Whelan était alors ministre de l'Agriculture. J'ai assisté à une réunion regroupant des membres des deux Chambres. Je crois qu'il s'agissait des comités de l'agriculture et des affaires étrangères des deux Chambres. Je n'entrerai pas dans les détails des très passionnantes discussions, mais ce fut l'amorce d'un très important dialogue entre nos deux pays. Ce fut peut-être ce qu'on appelle un «nouveau départ».

Nos amis de ce qui est maintenant la Russie éprouvent de graves difficultés. Je suis persuadé que le Canada, qui joue un rôle tout à fait enviable sur la scène mondiale, tiendra à donner toute l'aide qu'il pourra. Ce sera pour moi un plaisir et un honneur de transmettre les instances des sénateurs Gustafson et Prud'homme. Je sais que le sénateur Stewart, qui est président du comité des affaires étrangères et qui a présidé la réunion dont le sénateur a parlé, ainsi que tous les honorables sénateurs, voudront intervenir personnellement auprès de nos collègues du gouvernement.

Réponse différée à une question orale

La ratification de la Convention de l'OCDE sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales-La position du gouvernement

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement) dépose la réponse à la question no 137 inscrite au Feuilleton par le sénateur Lynch-Staunton.

ORDRE DU JOUR

La Loi sur la sécurité ferroviaire

Projet de loi modificatif-Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Poulin, appuyée par l'honorable sénateur Pearson, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-58, Loi modifiant la Loi sur la sécurité ferroviaire et une autre loi en conséquence.

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui pour participer au débat à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi C-58. Comme certains d'entre vous le savent, j'ai eu l'honneur de présider un sous-comité du comité sénatorial permanent des transports et des communications et, plus tard, le comité spécial du Sénat sur la sécurité dans les transports. Ce comité spécial a récemment déposé un rapport provisoire, une contribution qui nous semble importante à la documentation qui existe déjà sur la sécurité dans les transports au Canada.

D'ailleurs, j'aimerais prendre quelques instants pour faire connaître nos travaux. Les audiences que nous avons tenues et les déplacements que nous avons faits nous ont permis, je crois, d'acquérir énormément de connaissances sur la sécurité dans les transports. Maintenant que nous avons diffusé notre rapport provisoire, nous allons nous concentrer d'abord sur la sécurité aérienne. Nous espérons être en mesure de déposer notre rapport au Sénat afin le congé estival. Par la suite, nous étudierons les autres modes de transport, soit le transport ferroviaire, le transport maritime et le transport routier. C'est la question du transport routier, soulevée la première fois par notre ex-collègue, le sénateur Keith Davey, qui est à l'origine de la présente série d'études sur la sécurité dans les transports. Ce sera peut-être notre étude la plus intéressante, puisque nous nous pencherons sur les problèmes que pose le réseau routier du Canada et examinerons des questions comme la sécurité dans le secteur du camionnage.

Je décris nos travaux particulièrement pour le bénéfice de nos collègues d'en face. Depuis la création du comité spécial en juin dernier, nous n'avons pas eu de mal à attirer des membres de qualité, mais avons eu plus de mal à retenir leur attention. Par le passé, ceux qui se sont joints à nous pour effectuer une étude avaient souvent pris d'autres engagements et ne pouvaient demeurer au sein du comité pour poursuivre les travaux. S'il y a de l'autre côté des sénateurs que la sécurité aérienne intéresse, ils pourraient le signaler à leur whip et se joindre à nous. Nous pouvons leur promettre l'étude de questions variées, des discussions avec des gens intéressants et certains voyages, mais pas tellement de travaux forcés.

Honorables sénateurs, pour en revenir au projet de loi C-58, le sous-comité des communications et le comité spécial de la sécurité des transports ont fait une étude assez approfondie du secteur ferroviaire. Nous avons rencontré les principaux exploitants et syndicats au Canada, à l'exception de VIA Rail dont nous comptons rencontrer les représentants plus tard, au printemps.

Aux États-Unis, nous avons rencontré les groupes de coordination de la direction et des syndicats, ainsi que les porte-parole d'Amtrac. En France et en Grande-Bretagne, nous avons eu de longs entretiens avec des représentants gouvernementaux et des porte-parole du train à grande vitesse en France. Grâce à toutes ces rencontres, un certain nombre de sénateurs, dont les sénateurs Bacon, Mercier, Adams, Roberge et moi-même, ont acquis énormément de connaissances approfondies qui les aideront à évaluer les mérites du projet de loi que nous étudions aujourd'hui et, aussi, d'autres projets de loi sur les transports dont nous serons saisis dans les mois à venir.

Dans son rapport provisoire, le comité sénatorial spécial de la sécurité des transports a soulevé un certain nombre de questions au sujet de la sécurité du transport ferroviaire au Canada. Deux rapports récents du Bureau de la sécurité des transports sont mis en lumière. Dans ses rapports sur le déraillement survenu à l'extérieur d'Edson, en Alberta, et sur le déraillement du train de VIA survenu à proximité de Biggar, en Saskatchewan, le bureau se montre très critique à l'égard de la sécurité du transport ferroviaire. Il déplore le peu d'attention accordée à la sécurité dans le cas de deux accidents qui auraient pu être évités.

Je recommande à tous les sénateurs de lire le chapitre 4 de notre rapport, car c'est celui qui traite principalement du sujet dont il est question dans le projet de loi à l'étude.

Les préoccupations des syndicats par rapport à la rationalisation de l'effectif dans le secteur ferroviaire sont aussi ressorties de nos discussions sur la sécurité du transport ferroviaire. Rares sont les industries qui ont été frappées aussi durement que le secteur ferroviaire au Canada, comme en témoignent les chiffres. C'est l'application pratique de la technologie informatique qui est à l'origine de la situation actuelle. Les syndicats ont peur - et, sincèrement, moi aussi - que la réduction des effectifs n'ait des répercussions négatives sur la sécurité.

Nous ne pouvons qu'encourager les syndicats et la direction à continuer leur collaboration sur les questions de sécurité. Nous devons tous penser et agir en ayant constamment à l'esprit la sécurité dans tous les modes de transport au Canada.

(1450)

Quant au projet de loi C-58, je dois dire que beaucoup de ses éléments me réjouissent et j'attends avec impatience les délibérations du comité sénatorial permanent des transports et des communications.

L'article 1 du projet de loi énonce les objectifs de la Loi sur la sécurité ferroviaire. Les syndicats de l'industrie du rail n'y sont pas expressément mentionnés. Étant donné que ces syndicats ont manifesté un grand intérêt pour la sécurité et puisque leurs membres sont aux premières lignes, je crois que les syndicats devraient être mentionnés à l'alinéa b) ou à l'alinéa c), qui établissent la responsabilité en ce qui concerne la sécurité ou l'amélioration de la sécurité.

L'article 13 du projet de loi donne au ministre le pouvoir d'exiger qu'une société ferroviaire adopte des règles de sécurité ou de lui imposer de telles règles. Le projet de loi prévoit un délai pour les consultations. Nous espérons que le ministre, soit par un amendement au projet de loi, soit par voie réglementaire, fera en sorte que les syndicats seront consultés et que leur avis sera pris en compte.

Les articles 15 et 19 donnent au ministre des pouvoirs précis à l'égard de la sécurité. Aux termes de l'article 15, le ministre peut exempter les sociétés ferroviaires de l'application de certains règlements, soit les règlements sur la sécurité aux passages à niveaux et sur d'autres types de risques. Comme nous l'avons vu dans d'autres projets de loi, le ministre peut exercer ses pouvoirs comme bon lui semble, sans qu'aucun critère ne vienne orienter son intervention. Nous espérons que le ministre, lorsqu'il exercera ce pouvoir discrétionnaire, penchera toujours du côté de la sécurité.

L'article 18 autorise le ministre à interdire l'utilisation du sifflet la nuit dans les secteurs résidentiels. Ce serait une bénédiction pour ma collectivité, qui compte des centaines et des centaines de personnes âgées; toutefois, cela risque de poser un problème de sécurité. Pour les insomniaques, je suppose que le son du sifflet n'est pas un problème. Pour ceux, toutefois, que le sifflet pourrait réveiller en plein sommeil, je suppose que cela peut être une nuisance. J'espère encore une fois que l'on recourra le moins possible à l'interdiction de l'utilisation du sifflet. Les moyens pour avertir les gens de l'arrivée d'un train sont limités. Dans le cas présent, le ministre devrait pencher du côté de la sécurité en accordant le droit d'interdire l'utilisation du sifflet. En comité, il pourra peut-être nous dire comment il a l'intention d'exercer sa discrétion. C'est seulement le sifflet qui vous informe de l'arrivée d'un train.

L'article 19 accorde au ministre des Transports le pouvoir de prendre des règlements pour la construction et l'entretien des routes ainsi que pour le contrôle de la circulation des véhicules et des piétons aux abords des franchissements routiers en vue de préserver la sécurité ferroviaire. Je voudrais, de nouveau, attirer votre attention sur les sections pertinentes de notre rapport provisoire dont le Sénat est déjà saisi. Comme les routes et les autoroutes relèvent de la compétence provinciale, nous nous inquiétons toujours de l'effet constitutionnel de certains règlements qui sont envisagés, voire établis.

Je suis heureux de voir que le projet de loi donne au Cabinet le pouvoir de prendre des règlements concernant l'élaboration et la mise en oeuvre de systèmes de gestion de la sécurité par les sociétés ferroviaires. C'est un geste positif de la part du gouvernement, un geste qui est le bienvenu.

En Grande-Bretagne, les sociétés ferroviaires sont tenues de soumettre et de mettre à jour des politiques en matière de sécurité. Celles-ci doivent être élaborées par la direction en collaboration avec les syndicats des travailleurs de chemin de fer. J'espère que c'est vers cela que nous nous dirigeons au Canada.

Comme la mise en oeuvre de ce projet de loi se fera en grande partie par voie de règlement, nous espérons que ces règlements seront déposés dans les deux Chambres avant d'être adoptés. Je suis certain que les membres du comité permanent des transports et des communications aimeraient les examiner. De façon générale, ce projet de loi est un pas dans la bonne direction. Il découle des dispositions de la loi portant sur la surveillance du système.

Les Canadiens sont chanceux d'avoir un système de transport ferroviaire aussi vaste et aussi sûr. Toutefois, la triste réalité est qu'on peut et qu'on doit rendre ce système encore plus sûr grâce à l'application adéquate des règlements et à une plus grande sensibilisation de la direction et des syndicats à la nécessité de mettre l'accent sur la sécurité et de développer une culture de la sécurité. C'est finalement la seule façon dont nous pourrons prévenir des accidents tragiques trop fréquents sur nos lignes de chemin de fer.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, l'honorable sénateur Poulin, appuyée par l'honorable sénateur Pearson, propose que ce projet de loi soit lu une deuxième fois. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président: Quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Carstairs, le projet de loi est renvoyé au comité permanent des transports et des communications.)

[Français]

Examen de la réglementation

Dépôt du troisième rapport du comité mixte permanent

Permission ayant été accordée de revenir à la présentation de rapports de comités permanents ou spéciaux:

L'honorable Céline Hervieux-Payette: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer le troisième rapport du comité mixte permanent d'examen de la réglementation, portant sur l'abrogation du paragraphe 68(1) du Règlement sur les stupéfiants.

Dépôt du quatrième rapport du comité mixte permanent

L'honorable Céline Hervieux-Payette: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer le quatrième rapport du comité mixte permanent d'examen de la réglementation, portant sur l'abrogation des paragraphes G. 06.001(1) et J. 01.033(1) du Règlement des aliments et drogues.

[Traduction]

Projet de loi sur le précontrôle

Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Carstairs, appuyée par l'honorable sénateur Joyal, c.p., tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-22, Loi autorisant les États-Unis à effectuer au Canada le précontrôle en matière de douane, d'immigration, de santé publique, d'inspection des aliments et de santé des plantes et des animaux à l'égard des voyageurs et des marchandises à destination des États-Unis.

L'honorable John Buchanan: Honorables sénateurs, j'appuie le projet de loi S-22. Je suis essentiellement d'accord avec ce qu'a dit ma collègue de la Nouvelle-Écosse, le sénateur Carstairs.

Ce projet de loi est à l'ordre du jour de l'Association parlementaire Canada-États-Unis depuis au moins trois ans. J'ai animé la discussion à l'occasion de la réunion annuelle que nous avons tenue il y a deux ans au Cap-Breton, où il fut aussi question de l'accord Ciels ouverts de 1995.

Compte tenu du fait que l'on peut désormais se rendre dans plus de 80 endroits différents aux États-Unis à partir de nombreuses villes canadiennes, le précontrôle revêt beaucoup d'importance, car la plupart de ces destinations américaines n'ont pas de services d'inspection des douanes et d'immigration. Par conséquent, les passagers en provenance du Canada qui se rendent dans bon nombre de ces endroits doivent faire escale dans un aéroport intermédiaire afin de remplir les formalités des douanes.

(1500)

L'Association parlementaire Canada-États-Unis a endossé l'adoption d'une loi réciproque qui permettrait de rendre l'accord Ciels ouverts et l'accord de 1974 sur le transport aérien plus efficaces pour les deux pays. Comme le faisait remarquer le sénateur Carstairs, le système de précontrôle est en vigueur depuis 1952 et fonctionne maintenant dans les aéroports de Vancouver, d'Edmonton, de Calgary, de Winnipeg, de Toronto, d'Ottawa et de Montréal. Je signale au leader du gouvernement au Sénat que le système de précontrôle ne s'applique toujours pas dans la région de l'Atlantique, mais que grâce à cette loi, il pourrait s'appliquer prochainement à la grandeur de la région de l'Atlantique depuis l'aéroport international de Halifax.

Cette loi est nécessaire par suite de l'évolution qu'a connue le droit canadien depuis 1974. En 1982, la Charte canadienne des droits et libertés a reconnu de nouveaux droits de la personne et l'accord de 1974 doit être modernisé pour être conforme.

Les fonctionnaires américains qui pratiquent le précontrôle seront assujettis à la Charte canadienne des droits et libertés, à la Déclaration canadienne des droits et à la Loi canadienne sur les droits de la personne, ainsi qu'il est mentionné dans le préambule et au paragraphe 6(1) du projet de loi. En vertu du paragraphe 6(2), les autorités canadiennes sont chargées d'administrer les infractions pénales visées dans la loi.

Le droit canadien définit la structure du régime de précontrôle applicable en vertu de la Loi sur le précontrôle et en régit l'application essentiellement de trois façons: en délimitant l'application de la loi américaine et en excluant la loi pénale américaine; en faisant en sorte qu'en cas de conflit entre les lois américaine et canadienne, ce soit la loi canadienne qui s'applique; et en s'assurant que tous les voyageurs soient protégés par la Charte canadienne des droits et libertés. Nous avons discuté de ces questions à au moins trois reprises à l'Association parlementaire Canada-États-Unis.

Honorables sénateurs, l'application de la loi américaine est limitée aux lois qui régissent les douanes, l'immigration, la santé publique, l'inspection des aliments et la santé des plantes et des animaux. Seules s'appliqueraient les dispositions de ces lois qui concernent directement l'admission des voyageurs et l'importation de biens aux États-Unis.

Les lois concernant les contrôles frontaliers ne peuvent s'appliquer que dans les zones de précontrôle ou de transit désignées par le gouvernement canadien. La loi canadienne régit entièrement le régime. La loi contient des dispositions qui assure la suprématie de la loi canadienne et l'application exclusive des lois pénales canadiennes.

En ce qui concerne les voyageurs, ils auraient le droit de quitter une zone de précontrôle sans se rendre aux États-Unis, à moins qu'ils ne soient informés que le contrôleur a l'impression qu'ils ont fourni une déclaration fausse et trompeuse ou ont nui à son travail. Un passager retenu pour une fouille par palpation ou une fouille à nu aura le droit de faire examiner la décision par un supérieur, et chose plus importante, les agents canadiens effectueront les fouilles à nu.

Les contrôleurs auront le pouvoir, aux termes de la loi, d'ordonner à quiconque se trouvant dans une zone de précontrôle de se présenter à eux ou de quitter la zone. Tout voyageur dont le contrôleur soupçonne d'avoir a en sa possession une chose qui constitue une menace à la vie ou à la sécurité de quiconque ou s'il soupçonne que ce voyageur a en sa possession une chose permettant d'établir qu'il a donné une réponse fausse ou trompeuse aux questions de l'agent, sera soumis à une fouille par palpation. L'agent peut également dans ces cas refuser d'effectuer le précontrôle du voyageur aux fins d'entrée aux États-Unis.

En ce qui concerne les marchandises, un contrôleur aura le pouvoir, aux termes de la loi, d'examiner les marchandises présentées au précontrôle. Il pourra retenir toutes marchandises présentées au précontrôle jusqu'à ce qu'il constate que les formalités prescrites par la loi eu égard à ces marchandises ont été bien remplies. Il peut également saisir ces marchandises s'il croit, pour des motifs raisonnables, que le voyageur a donné des renseignements faux ou trompeurs. Enfin, il peut confisquer les marchandises saisies légalement et examiner un moyen de transport assujetti à un précontrôle.

Avec ce projet de loi, le Canada et les États-Unis joindront de nombreux autres pays qui ont déjà adopté des lois sur le précontrôle. Le projet de loi clarifie la situation juridique du précontrôle américain aux aéroports canadiens, y compris celui d'Halifax dans un avenir très rapproché. Il offre une protection juridique aux voyageurs partant du Canada pour se rendre aux États-Unis. Il protège nos droits aux termes des lois pertinentes canadiennes. Il décrit la responsabilité des autorités américaines et canadiennes et s'assure que les lois canadiennes priment sur les lois américaines en cas de conflits.

Honorables sénateurs, le projet de loi va maintenant permettre un contrôle pour les passagers en transit, ce dont nous avons discuté en longueur à l'Association parlementaire Canada-États-Unis. Les passagers en provenance de l'Europe et de l'Asie n'auront pas à passer par les postes de contrôle canadiens et américains, mais pourront se rendre directement au point de précontrôle américain. À l'heure actuelle, nous avons un point de précontrôle pour les passagers en transit à Vancouver, et on va étendre cela à d'autres pays.

Honorables sénateurs, j'appuie le projet de loi, comme je l'ai fait durant son étude au sein de l'association.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Carstairs, le projet de loi est renvoyé au comité sénatorial permanent des affaires étrangères.)

La loi sur la concurrence

Projet de loi modificatif-Renvoi au comité des banques et du commerce de la motion d'adoption du message des Communes

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Graham, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Carstairs:

Que le Sénat agrée les amendements apportés par la Chambre des communes à ses amendements au projet de loi C-20, Loi modifiant la Loi sur la concurrence et d'autres lois en conséquence; et

Qu'un message soit transmis à la Chambre des communes pour l'en informer.

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, ma participation à ce débat est motivée non tant par l'objet même du projet de loi C-20 que par la réaction du ministre de l'Industrie à la suite de la décision unanime - et je souligne le mot «unanime» - prise par le Sénat le 10 décembre dernier de renvoyer le projet de loi à la Chambre des communes avec un amendement. Au lieu de se borner à faire preuve d'une contrariété bien compréhensible en apprenant que le projet de loi C-20 ne recevrait pas la sanction royale avant la relâche des fêtes, le ministre a émis le lendemain un communiqué de presse truffé d'imprécisions et d'assertions trompeuses. L'essence même du communiqué est d'ailleurs bien résumée dans le titre: «Le ministre Manley se dit déçu que les sénateurs conservateurs sabotent un projet de loi conçu pour protéger les consommateurs canadiens».

Le dictionnaire donne au mot «saboter» le sens de «détruire». Que les sénateurs conservateurs soient accusés de quelque chose qu'ils n'ont pas fait est non seulement mensonger, mais c'est le genre de propos qu'un ministre de premier plan ne devrait pas tenir, à moins qu'il veuille qu'on l'identifie aux éléments anti-Sénat de l'opposition officielle et à leurs déclarations fracassantes.

Selon le communiqué de presse, les sénateurs progressistes-conservateurs ont empêché l'adoption du projet de loi. C'est absolument faux. La mesure a été renvoyée à la Chambre des communes avec une proposition d'amendement, avec le consentement unanime de tous les sénateurs présents, libéraux, conservateurs et indépendants. Le ministre a ensuite demandé: «Quels intérêts publics cherchaient à servir les sénateurs conservateurs?» Cette insinuation pas très subtile est claire, absolument sans fondement et injuste. Elle est même malveillante.

Le 16 décembre, j'ai écrit au ministre pour faire valoir les raisons de l'amendement. J'ai joint à ma lettre un exemplaire du mémoire de l'Association du Barreau canadien, des observations du comité sénatorial permanent des banques et du commerce ainsi que des extraits pertinents des Débats du Sénat. La lettre ainsi que le communiqué de presse ont été envoyés à tous les sénateurs. J'ai terminé la lettre ainsi:

J'espère qu'après avoir lu ces documents, vous n'hésiterez pas à rédiger un communiqué rectificatif et à lui accorder la même diffusion qu'au communiqué erroné du 11 décembre.

Je n'ai pas encore reçu d'accusé de réception de ma lettre et je ne sais pas si un rectificatif a été publié.

Si le ministre avait carrément rejeté notre amendement et proposé de nouveau ses dispositions originales, sa susceptibilité, même si elle n'est pas fondée, aurait été plus compréhensible. En fait, comme l'a dit hier le leader du gouvernement au Sénat, nous somme saisis d'un amendement qui a été modifié par ceux de l'autre endroit; ceux-ci ont en effet décidé:

[...] de rétablir l'essentiel des dispositions relatives à la dénonciation, mais y ont néanmoins apporté des modifications importantes pour tenir compte des préoccupations exprimées par les témoins qui ont comparu devant le comité sénatorial permanent des banques et du commerce et par des sénateurs.

D'une part, nous, de ce côté-ci, sommes injustement blâmés d'avoir empêché l'adoption d'un projet de loi, ce qui n'est pas le cas. Nous sommes aussi pointés du doigt pour en avoir - et je cite de nouveau le communiqué - «réduit considérablement le mordant en retirant la modification qui visait à protéger les «dénonciateurs»». Comme je l'ai dit tout à l'heure, cette décision a été prise par tous les sénateurs présents.

Nous avons maintenant un amendement qui, pour reprendre les mots du sénateur Graham, comporte des «modifications importantes» par rapport au projet de loi original proposé par le gouvernement, cela, pour tenir compte des préoccupations exprimées au sein du comité et au Sénat. Ce que tout cela signifie, c'est que le ministre devrait être reconnaissant au Sénat d'avoir amélioré son projet de loi. Au lieu de cela, il a autorisé la diffusion d'une déclaration déplaisante et malveillante, remplie d'informations erronées et déformées et d'insinuations blessantes. Cela porte ombrage à l'ensemble des sénateurs, et non pas seulement à ceux de ce côté-ci.

Si le ministre avait publié un rectificatif, à défaut d'une excuse, je n'aurais pas pris la parole comme je l'ai fait aujourd'hui. Je pense toutefois qu'il est important que la position adoptée par le Sénat soit expliquée d'une façon juste et, comme le ministre de l'Industrie n'a pas encore reconnu cela publiquement, au moins, il en sera fait état dans le hansard du Sénat.

En acceptant un certain nombre de recommandations importantes du Sénat, le ministre a la réponse à la question suivante:

Quels intérêts les sénateurs conservateurs servent-ils?

Les mêmes que lui. J'espère que c'est ce qu'il confirmera quand il comparaîtra devant le comité des banques à l'occasion de l'étude du projet de loi C-20.

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je remercie le sénateur Lynch-Staunton d'avoir mis les choses au point à propos du projet de loi C-20. J'aimerais proposer la motion suivante. Je propose:

Que la motion ainsi que le message de la Chambres des communes en date du 5 février 1999, portant sur le même sujet, soient déférés au comité sénatorial permanent des banques et du commerce pour étude et rapport.

Son Honneur le Président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint suppléant de l'opposition): Honorables sénateurs, le sénateur Lynch-Staunton a parlé d'une lettre et d'un communiqué de presse du ministre. C'est important non seulement pour les membres du comité des banques, mais pour tous les sénateurs puisque notre décision relative au projet de loi C-20, quand nous avons adopté l'amendement qui a été envoyé à l'autre endroit, était unanime. Le communiqué de presse du ministre nous intéresse tous. Je demande donc qu'il soit déposé.

Le sénateur Lynch-Staunton: J'en ai envoyé copie à tous les sénateurs. Toutefois, je me ferai un plaisir, avec le consentement du Sénat, de déposer ma lettre et la copie du communiqué de presse.

Son Honneur le Président: Plaît-il aux honorables sénateurs que le communiqué de presse soit déposé?

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président: S'il n'y a plus d'intervenant, je passe maintenant au vote.

Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

(La motion est adoptée.)

Projet de loi visant à changer le nom de la circonscription électorale de Stormont-Dundas

Troisième lecture

L'honorable Bill Rompkey propose: Que le projet de loi C-445, Loi visant à changer le nom de la circonscription électorale de Stormont-Dundas, soit lu une troisième fois.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu une troisième fois est adopté.)

[Français]

Projet de loi visant à changer le nom de la circonscription électorale de Sackville-Eastern Shore

Troisième lecture

L'honorable Gerald J. Comeau propose: Que le projet de loi C-464, Loi visant à changer le nom de la circonscription électorale de Sackville-Eastern Shore, soit lu une troisième fois.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu une troisième fois, est adopté.)

[Traduction]

La Loi sur l'accès à l'information

Projet de loi modificatif-Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Maheu, appuyée par l'honorable sénateur Ferretti Barth, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-208, Loi modifiant la Loi sur l'accès à l'information.

L'honorable Mabel M. DeWare: Honorables sénateurs, je voudrais prendre la parole pour appuyer le projet de loi C-208, qui vise à renforcer la Loi sur l'accès à l'information.

Nous convenons tous, j'en suis sûre, que cette loi est un important outil de la démocratie moderne. Elle aide les Canadiens à participer plus efficacement dans leurs gouvernements. Elle leur permet également de mieux demander des comptes à leurs représentants élus. Cependant, il y a eu de nombreux cas bien documentés où les droits des Canadiens à l'accès à l'information ont été carrément bafoués. C'est pour cette raison que la loi actuelle manque de mordant. En ce moment, le gouvernement et ses fonctionnaires ne risquent rien de plus qu'une réprimande s'ils cachent délibérément des renseignements.

Cette situation a été soulignée avec beaucoup de force par le commissaire à l'information du Canada, dans ses deux derniers rapports annuels, et nous a été rappelée la semaine dernière par notre collègue, le sénateur Maheu.

Au cours de la discussion sur le projet de loi C-208, nous devons garder à l'esprit l'objet de la Loi sur l'accès à l'information. Comme l'indique le paragraphe 2(1) de la loi, elle a pour objet:

[...] d'élargir l'accès aux documents de l'administration fédérale en consacrant le principe du droit du public à leur communication, les exceptions indispensables à ce droit étant précises et limitées et les décisions quant à la communication étant susceptibles de recours indépendants du pouvoir exécutif.

Le projet de loi dont nous sommes saisis est certes fidèle à cet objectif. Il renforce clairement le principe selon lequel l'information publique devait être accessible aux Canadiens. Il le fait en modifiant un article de la loi qui est crucial pour son administration appropriée, le seul article qui ait un peu de mordant.

Le commissaire à l'information du Canada a pour fonction d'agir en tant que gardien. Son rôle consiste à enquêter sur les plaintes de gens qui pensent que leurs droits légaux ont été bafoués. Aux termes de l'article 67 de la loi, il est interdit d'entraver l'action du commissaire à l'information ou des personnes qui agissent en son nom ou sous son autorité dans l'exercice des pouvoirs et fonctions qui lui sont conférés. Il est prévu que l'infraction entraîne, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, une amende pouvant aller jusqu'à 1 000 $.

Le montant n'est toutefois pas énorme, surtout de nos jours, de sorte que l'amende n'a pas un effet très dissuasif. En fait, il est très difficile de trouver des cas où même cette petite amende a été imposée. Le terme «entraver» est tellement vague qu'il ne veut pas dire grand-chose, et il n'y a aucune allusion à l'intention.

(1520)

Cet article est celui que le projet de loi C-208 a pour objet de modifier en y ajoutant une disposition assimilant à un acte criminel le fait de modifier, détruire, tronquer, déchiqueter, falsifier ou cacher un document, dans l'intention d'entraver le droit d'accès prévu par la loi, ainsi que le fait de restreindre l'accès à un document par un des moyens mentionnés. Je crois que cet amendement donnerait à la Loi sur l'accès à l'information les dents dont elle a désespérément besoin. Il est évident que tous les Canadiens en bénéficieraient.

De plus, cet amendement reflète fidèlement les recommandations faites par le commissaire à l'information. Comme le sénateur l'a fait remarquer la semaine dernière, le commissaire a formulé ces recommandations à la suite d'allégations de modification ou de destruction de documents par la commission Krever et l'enquête sur la Somalie. Si mon souvenir est bon, des inquiétudes semblables avaient été exprimées au cours de l'enquête sur l'aéroport Pearson et dans l'affaire des avions Airbus.

Il faut cependant espérer que l'adoption du projet de loi C-208 contribuera à empêcher que des choses comme celles auxquelles on a assisté lors du déroulement de l'enquête sur les événements entourant le sommet de l'APEC à Vancouver ne se reproduisent.

Honorables sénateurs, je suis en faveur du projet de loi, mais je voudrais faire part officiellement de mon inquiétude au sujet, non pas du projet de loi, mais plutôt d'une certaine impression qui a été créée au cours du débat parlementaire. Parlant des infractions à la loi modifiée, beaucoup d'allusions ont été faites à l'autre endroit, notamment aux fonctionnaires, aux bureaucrates et aux cadres supérieurs. Je tiens à bien préciser que je ne considère pas la mesure à l'étude comme une tentative de faire des boucs émissaires des employés travailleurs des ministères et agences du gouvernement et des sociétés de la Couronne.

Nous sommes tous des serviteurs du public au sens le plus exact du terme, mais il n'est que juste de signaler que le projet de loi C-208 s'appliquera également aux représentants élus qui pourraient ordonner à quelqu'un d'autre de modifier ou de cacher un document. Après l'adoption du projet de loi C-208, ces actes seraient considérés comme des actes criminels. Par conséquent, je crois que cette modification correspond au concept de responsabilité ministérielle.

En conclusion, je tiens à dire clairement que mes collègues de ce côté-ci du Sénat appuient entièrement le projet de loi C-208. Je félicite l'auteure du projet de loi d'avoir présenté une mesure aussi nécessaire. Je me réjouis également de constater que tous les partis à l'autre endroit l'ont appuyée.

Je suis plutôt étonnée de constater qu'on a laissé à une députée libérale d'arrière-ban le soin de présenter un projet de loi visant à mettre en application des recommandations que le commissaire à l'information avait faites à maintes reprises. Les Canadiens se sentiraient sûrement plus rassurés si cette mesure avait été présentée par le gouvernement. Après tout, le livre rouge avait promis que la transparence serait le mot d'ordre du gouvernement. J'espère que nous pouvons nous attendre à voir présenter d'autres modifications qui élargiront la portée de cette mesure afin d'englober un plus large éventail de documents et de remédier à d'autres problèmes soulevés par le commissaire à l'information.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président: Quand ce projet de loi sera-t-il lu une troisième fois?

L'honorable Shirley Maheu: Honorables sénateurs, je propose que le projet de loi soit renvoyé au comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

Son Honneur le Président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Recours au Règlement

L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, j'ai demandé le report de l'article 3. Mais, puisque j'ai la parole, je dois dire que je commence à me faire vieux et grincheux, et il se fait tard.

Je voudrais simplement, une fois de plus, signaler une chose aux honorables sénateurs. Lorsqu'ils décident de faire exception à la règle au sujet d'un projet de loi, et surtout s'il s'agit de renvoyer un projet de loi au comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie alors qu'un autre comité devrait en être saisi, le président et les membres de ce comité seraient très reconnaissants qu'on leur donne un certain préavis ou qu'on les consulte.

(La motion est adoptée et le projet de loi est renvoyé au comité sénatorial permanent des affairs sociales, des sciences et de la technologie.)

Les Nations Unies

Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels-Les réponses récentes à des questions du comité-Interpellation-Ajournement du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Kinsella, attirant l'attention du Sénat sur les réponses aux questions supplémentaires posées par le comité des Nations Unies sur les droits économiques, sociaux et culturels relativement au troisième rapport du Canada sur le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.-(L'honorable sénateur DeWare).

L'honorable Mabel M. DeWare: Honorables sénateurs, je reviens aujourd'hui sur l'interpellation inscrite par le sénateur Kinsella à l'ordre du jour du 24 novembre dernier. Il désirait attirer l'attention du Sénat sur le respect par le Canada des obligations découlant du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Pour nous rafraîchir la mémoire et pour bien situer mes observations dans leur contexte, je voudrais faire un bref historique de ce pacte. Cet accord international, de même que la Déclaration universelle des droits de l'homme, est l'un des cinq instruments qui, ensemble, forment la Charte internationale des droits de l'homme. Il a été adopté par l'Assemblée générale des Nations Unies en décembre 1966 et est entré en vigueur en janvier 1976. Le Canada l'a signé au mois d'août 1976.

Bien que l'accord n'ait aucune force obligatoire, le respect des obligations en découlant a beaucoup laissé à désirer au cours des dix années suivantes, parce que certaines dispositions avaient besoin d'être éclaircies. De plus, l'application du pacte n'était pas surveillée efficacement. La situation a changé en 1986, lorsque le comité des Nations Unies sur les droits économiques, sociaux et culturels a été créé. Ce groupe d'experts indépendants sur les droits de l'homme s'applique rigoureusement à veiller à ce que les États membres tiennent les promesses qu'ils ont faites en signant le pacte.

Le comité de l'ONU a exigé que ces pays, y compris le Canada, présentent des rapports périodiques donnant un aperçu de leur niveau d'observance. Puis, lorsque le comité a lu pour la première fois le rapport, il a demandé au Canada de répondre à 81 questions complémentaires. Au cours de la dernière semaine de novembre, le comité s'est réuni à Genève pour examiner le rapport du Canada, de même que les réponses à ces questions complémentaires. Le 4 décembre, le comité a adopté ses conclusions concernant le troisième rapport du Canada. C'est de ces conclusions que je voudrais parler aujourd'hui.

Les observations du comité à l'égard de la situation actuelle dans certains secteurs de compétence fédérale devraient servir d'avertissement pour un gouvernement qui est devenu complaisant.

Nous, sénateurs, sommes fiers que les Nations Unies aient pour la cinquième année d'affilée qualifié le Canada de pays du monde où il fait le mieux vivre. Et cela, parce que nous nous sommes classés au premier rang pour l'Indice du développement humain des programmes onusiens de développement compte tenu de critères comme l'espérance de vie, le niveau d'instruction et le revenu par habitant.

Comme l'a fait remarquer le comité, cela veut dire que le Canada peut faire grandement respecter les droits économiques, sociaux et culturels. Toutefois, cette cote ne dit pas tout. Nous devrions avoir honte que le Canada vienne au dixième rang des pays industrialisés pour l'indice onusien de la pauvreté humaine. Il y a donc un fossé évident entre ce que nous pourrions faire et ce que nous faisons. Honorables sénateurs, c'est simple, personne n'est dupe, surtout pas les Nations Unies. Que le Canada ne protège pas les droits économiques, sociaux et culturels de ses habitants constitue, bien franchement, une source d'embarras au niveau international.

(1530)

Dans ses remarques finales sur le troisième rapport du Canada, le comité des Nations Unies sur le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels mentionne au moins 25 sujets de préoccupation majeure, dont le remplacement du Régime d'assistance publique du Canada par le Transfert social en matière de santé et de programmes sociaux et les restrictions concernant l'assurance-emploi. Je m'attarderai aujourd'hui sur ces deux exemples, qui démontrent clairement que non seulement l'application des droits visés par le pacte n'a pas progressé au Canada, mais qu'elle accuse même un recul.

Le comité note que le remplacement du RAPC par le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux fait en sorte qu'il est maintenant plus difficile pour les groupes désavantagés de jouir des droits que le Canada leur avait reconnus en signant le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Entre autres, le RAPC établissait des normes nationales applicables aux prestations sociales et reconnaissait le droit à un niveau de vie adéquat. Ces dispositions ne figurent plus dans le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux et les paiements de transfert aux provinces au titre de l'aide sociale ont été considérablement réduits.

Suite à ces réductions, les prestations d'aide sociale ont été réduites dans plusieurs provinces, ce qui a contribué à accroître le nombre déjà élevé des itinérants, comme nous avons pu le constater hier, et la faim. Le comité note qu'au cours des cinq dernières années le nombre de locataires qui consacrent plus de 50 p. 100 de leur revenu à leur loyer a augmenté de 43 p. 100. Entre 1989 et 1997, le nombre de banques alimentaires au Canada a presque doublé, mais ces établissements ne réussissent malheureusement à répondre qu'à une faible partie des besoins accrus des pauvres.

Le comité des Nations Unies signale également que les compressions budgétaires applicables au Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux ont eu des répercussions particulièrement dures sur les femmes. Les femmes célibataires constituent la majorité des pauvres, la majorité des adultes prestataires d'aide sociale et la majorité des bénéficiaires des programmes sociaux. Le comité s'inquiète également de ce que ces compressions ont contribué à créer des difficultés additionnelles pour les femmes qui veulent fuir la violence conjugale. Ce sont là autant de choses dont nous devrions nous souvenir, alors que nous nous apprêtons à célébrer la Journée internationale de la femme, le 8 mars.

Comme si ces problèmes ne suffisaient pas, le gouvernement a resserré les critères du régime d'assurance-chômage, ou assurance-emploi, comme il se plaît à l'appeler. Un nombre croissant de travailleurs canadiens doivent s'efforcer d'éviter le piège de l'aide sociale parce que les restrictions imposées à l'assurance-emploi les empêchent de bénéficier de la protection du revenu pour laquelle ils cotisent.

Le comité des Nations Unies craint que les restrictions successives touchant les prestations d'assurance-chômage n'aient eu pour effet de faire chuter de près de la moitié le nombre de prestataires d'assurance-chômage, de faire baisser le montant des prestations et de réduire la durée de l'indemnisation. Moins de familles à faible revenu sont admissibles aux prestations, tandis que les travailleurs à temps partiel, les jeunes, les marginaux, les travailleurs saisonniers et temporaires voient souvent leurs demandes d'assurance-chômage rejetées. C'est particulièrement vrai dans la région de l'Atlantique, d'où je viens.

Honorables sénateurs, comme le Congrès du travail du Canada l'a constaté dans une étude récente, le régime d'assurance-emploi verse moins de prestations à moins de chômeurs. En 1997, seulement 36 p. 100 des chômeurs touchaient des prestations, soit une baisse de 56 p. 100 par rapport à 1993. Autrement dit, des 1,4 million de Canadiens qui étaient sans emploi en 1997, seulement 500 000 y étaient admissibles.

Les femmes sont particulièrement touchées par ces restrictions, seulement 32 p. 100 des femmes sans emploi ayant touché des prestations l'an dernier. Cela s'explique notamment par les nouvelles règles concernant les travailleurs à temps partiel. Il faut travailler plus d'heures pour avoir droit aux prestations, ce que les emplois à temps partiel ou temporaires ne permettent pas de faire.

Les sans-travail restent au chômage plus longtemps qu'autrefois. Et pourtant, ils épuisent leur droit aux prestations beaucoup plus tôt. Pendant que le gouvernement accumule les cotisations excédentaires au rythme de 6 milliards de dollars par an, les Canadiens n'ont qu'une chance sur trois de percevoir des prestations s'ils viennent à perdre leur emploi.

Honorables sénateurs, trois domaines préoccupent énormément le comité de l'ONU sur les droits économiques, sociaux et culturels. Espérons qu'il nous aidera à mieux comprendre les obligations auxquelles est assujetti le Canada en vertu du pacte international et le peu d'empressement de notre gouvernement à les honorer.

Suite au troisième rapport du Canada et aux réponses qu'il a fournies aux questions complémentaires, le comité a exhorté une fois de plus notre pays à élargir la protection assurée dans le cadre de la Loi sur les droits de la personne de manière à inclure les droits sociaux et économiques et à protéger les pauvres de toutes les provinces contre la discrimination fondée sur la situation sociale ou économique.

C'est précisément ce qu'entend faire au niveau fédéral le projet de loi S-11 qu'a présenté mon collègue, l'honorable sénateur Cohen. Je félicite tous les membres de cette Chambre qui ont fait preuve de suffisamment de bon sens et de compassion pour adopter une mesure législative aussi importante. J'espère que les membres de l'autre Chambre feront également preuve de bon sens quand ils entreprendront son étude.

(Sur la motion du sénateur LeBreton, le débat est ajourné.)

[Français]

Les pays en voie de développement

L'éducation et la santé chez les jeunes filles et les femmes-Interpellation-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Losier-Cool, attirant l'attention du Sénat sur la population, l'éducation et la santé dans de nombreux pays en voie de développement, en particulier chez les jeunes filles et chez les femmes.-(L'honorable sénateur Pépin).

L'honorable Lucie Pépin: Honorables sénateurs, je désire aujourd'hui répondre aux commentaires de mes honorables collègues, le sénateur Rose-Marie Losier-Cool et le sénateur Andreychuk, concernant l'étude sur l'éducation et la santé des jeunes filles et des jeunes femmes que cette Chambre s'apprête à effectuer.

Ma contribution d'aujourd'hui ciblera particulièrement les effets du sida sur la santé et l'éducation des filles et des femmes, particulièrement celles qui vivent dans les pays en voie de développement. Le sénateur Andreychuk nous a communiqué des chiffres consternants sur les conséquences économiques du sida en Afrique subsaharienne. À mon avis, le coût humain de cette épidémie est un sujet qui mérite qu'on y réfléchisse davantage. La plupart des exemples que je citerai concernent l'Afrique australe, la région du monde la plus durement touchée par le VIH jusqu'à maintenant, mais mon propos touche en même temps la situation des femmes et des filles de la plupart des autres parties du monde, y compris l'Amérique du Nord. Je pense que nous devons tirer les leçons qui s'imposent des ravages que le sida a faits en Afrique australe, si nous souhaitons que les femmes et les jeunes filles de cette région et d'ailleurs soient protégées et capables de survivre et d'atteindre leur plein potentiel.

Honorables sénateurs, le 1er décembre dernier, le Canada s'est joint à la communauté internationale pour souligner la Journée mondiale du sida. Chaque année à cette époque, les pays réfléchissent à ce qui a été fait au cours de l'année précédente pour lutter contre la pandémie mondiale du VIH/sida. Trop souvent, hélas, nous constatons que les ravages de la maladie, de la discrimination et de la mort annulent largement nos efforts de prévention et de traitement. L'année dernière ne fait pas exception.

On évalue à 2 millions le nombre de personnes décédées du sida, et à 4 millions les cas d'infection par le VIH, dans la seule Afrique subsaharienne, en 1998 seulement. Depuis le début de l'épidémie, 83 p. 100 des décès attribuables au sida sont survenus dans cette région, alors qu'elle ne comprend qu'environ 10 p. 100 de la population mondiale. Sur les 11 millions de personnes décédées, un quart étaient des enfants.

Dans les pays les plus durement touchés - le Botswana, la Namibie, le Swaziland et le Zimbabwe - entre 20 et 25 p. 100 de la population adulte est séropositive ou atteinte du sida. Cela représente au moins un cinquième des personnes âgées de 15 à 49 ans. Comme l'a déclaré, en décembre dernier, M. Peter Piot, directeur de l'ONUSIDA, lors du lancement du rapport de 1998 sur le sida dans le monde, l'Afrique subsaharienne fait face à un désastre humain d'une ampleur sans précédent, dont les effets dévastateurs dépassent ceux que les sécheresses et les catastrophes naturelles ont causés dans le passé.

Des chiffres comme ceux-là parlent d'eux-mêmes: c'est toute la population qui est concernée - femmes, hommes, adolescents, enfants, parents, grands-parents. Toutefois, diverses études menées en Afrique et ailleurs indiquent que les personnes les plus menacées par une nouvelle infection sont les jeunes de 14 à 24 ans, et que parmi eux, ce sont les filles et les jeunes femmes qui sont le plus à risque.

[Traduction]

(1540)

Le fait que les jeunes femmes risquent davantage une infection par le VIH tient à des facteurs biologiques et socioéconomiques. L'appareil génital de la femme est plus vulnérable que celui de l'homme à l'infection par le VIH et les autres maladies transmises sexuellement. L'appareil génital est particulièrement fragile chez les filles. À la vulnérabilité biologique des filles s'ajoutent certaines réalités sociales, dont la situation inférieure de la femme dans la société et les relations inégales entre les hommes et les femmes. De ce fait, les jeunes femmes ont un contrôle moindre sur leurs vies et leurs corps que leurs semblables de l'autre sexe, et les garçons et les jeunes hommes sont souvent encouragés - tacitement ou ouvertement - à adopter un comportement sexuel et personnel agressif.

[Français]

Les données indiquent que les filles et les jeunes femmes contractent souvent l'infection à un âge plus précoce que les garçons. Dans de nombreux pays africains, parmi les adolescents d'un âge donné, jusqu'à trois fois plus de filles que de garçons sont séropositives. L'âge des premiers rapports sexuels pour de nombreuses filles, en Afrique subsaharienne, est précoce et souvent, honorables sénateurs, ces relations sexuelles précoces ne sont pas désirées. Lors d'une étude menée au Malawi auprès d'un groupe de jeunes femmes, plus de la moitié d'entre elles ont dit avoir été contraintes par leurs partenaires masculins. Une autre étude, menée au Nigeria, révèle que plus de 20 p. 100 des filles ont été forcées à avoir des rapports sexuels.

La différence d'âge entre les jeunes filles et les jeunes garçons qui contractent l'infection indique que les adolescentes ont souvent pour partenaires des hommes plus âgés. On sait effectivement que, lorsque l'épidémie s'est mise à progresser, les hommes plus âgés ont souvent choisi des partenaires sexuelles très jeunes, croyant qu'elles étaient non atteintes par le VIH. Les instituteurs, par exemple, qui ont autorité sur elles et qui sont plus âgés, forcent souvent ces jeunes filles à avoir des relations sexuelles. Les adolescentes n'ont guère de chance de se trouver un emploi qui leur permette d'assurer leur propre subsistance. Des chercheurs zambiens qui se sont penchés sur la sexualité des adolescents ont constaté que, dans certains villages, plus les problèmes économiques s'aggravaient, plus le nombre de jeunes filles qui acceptaient de se faire payer pour avoir des relations sexuelles augmentait. La dépendance des jeunes femmes à l'égard des hommes plus âgés en ce qui concerne le travail, la nourriture, le logement et la protection les rend extrêmement vulnérables aux abus sexuels et à l'exploitation. Il en résulte des grossesses non désirées ainsi que des infections par des MTS et par le VIH. Une fois enceintes, leur vulnérabilité sociale et économique augmente, car elles sont souvent forcées de quitter l'école et doivent dorénavant assurer la survie d'un enfant à charge.

Honorables sénateurs, l'infection par VIH a des effets dévastateurs que nous connaissons bien: il n'existe aucun remède et, dans la plupart des pays en développement, le savant cocktail thérapeutique qui réussit si bien à prolonger la vie des séropositifs et des sidéens en Amérique du Nord est absolument hors de portée. Or, et cela fait partie de la nature tragique du sida, les effets ne se limitent pas aux seules personnes malades. Ce sont généralement les femmes qui portent le fardeau supplémentaire des soins à donner aux membres de leurs familles et de leurs communautés qui luttent contre cette maladie et ce sont elles qui s'occupent des petits devenus orphelins après la mort de leurs parents. Ces tâches supplémentaires leur enlèvent du temps pour le travail agricole ou un emploi rémunéré. Leur revenu baisse et souvent, leur alimentation en souffre.

Lorsque le principal soutien d'une famille est touché par le VIH, le revenu du ménage diminue d'au moins 50 p. 100, estime-t-on, et les sommes consacrées aux besoins «non essentiels», comme l'éducation, peuvent baisser de 75 p. 100 ou plus. Lorsque les ressources manquent pour envoyer les enfants à l'école, les filles restent au foyer et ne peuvent commencer leur scolarité parce qu'elles sont plus susceptibles de devoir assumer à la maison les responsabilités supplémentaires associées aux soins à donner aux malades.

Même dans les familles qui font un effort pour garder leurs enfants à l'école, les jeunes sont parfois rejetés par leurs amis, voire forcés d'abandonner leurs études, tant sont ancrés les préjugés associés au VIH.

Voilà donc comment les effets dévastateurs du VIH s'abattent sur les démunis: les enfants appartenant à une famille touchée par cette maladie sont forcés, par les circonstances ou à cause de discrimination, d'abandonner leurs études. Les possibilités limitées qui leur sont offertes les rendent encore plus vulnérables à l'exploitation économique et sexuelle, ce qui augmente leurs chances d'être infectés.

Honorables sénateurs, je pourrais passer la journée à vous citer des statistiques et des scénarios encore plus déprimants pour illustrer l'ampleur de l'épidémie de sida en Afrique. Hélas, trop souvent, les chiffres demeurent des abstractions, et on a l'impression de ne pouvoir rien faire pour les changer. Mais il serait dangereux de tomber dans l'indifférence, car 900 millions de jeunes - le plus grand nombre que le globe ait jamais porté - sont actuellement au seuil de leur adolescence et de leurs années de reproduction. Nous ne pouvons pas, par notre inaction, leur enlever leurs chances d'avenir.

Faute d'un remède ou d'un vaccin contre le sida et compte tenu du coût des protocoles de traitement actuels, les efforts pour sensibiliser au sida et pour prévenir l'infection par le VIH sont essentiels. Il est capital que les jeunes reçoivent une information complète avant de devenir actifs sexuellement et qu'ils apprennent comment se protéger. Un examen approfondi des programmes de sensibilisation menés un peu partout dans le monde par l'Organisation mondiale de la santé et l'ONUSIDA démontre que l'éducation sexuelle ne conduit pas à une activité plus précoce ou plus grande, contrairement à ce que craignent bien des parents et des politiciens. En fait, lorsque les programmes sont de bonne qualité, ils aident les jeunes à retarder les premiers rapports sexuels et à prendre des décisions responsables pour se protéger s'ils s'adonnent effectivement à une activité de ce genre.

L'ONUSIDA a démontré que les programmes les plus efficaces sont ceux qui réunissent un certain nombre de caractéristiques: un enseignement qui parle d'abstinence aussi bien que de pratiques sexuelles sûres; une information détaillée sur les conséquences de l'activité sexuelle, qui est dispensée en termes clairs et sans porter de jugement; un encouragement à l'acquisition de connaissances pratiques qui aident les intéressés à avoir confiance en eux; et un renforcement des valeurs de groupe contre les comportements à risque.

Pour les jeunes filles et les jeunes femmes, les connaissances pratiques et la confiance en soi sont particulièrement importantes. Toutefois, pour réduire la vulnérabilité plus grande des femmes, il faudra des mesures à long terme qui élimineront l'inégalité des sexes dans les textes de loi, dans l'accès aux soins de santé, dans l'éducation et dans les normes sociales et les mentalités.

Les experts du monde entier s'entendent de plus en plus sur une même conclusion: ce qui rend les gens plus vulnérables au VIH et aux maladies qui l'accompagnent chez les séropositifs, ce sont les violations de leurs droits fondamentaux. Ce lien étroit rattachant la défense des droits de la personne et la lutte contre le VIH était l'un des grands chevaux de bataille du regretté Jonathan Mann, disparu tragiquement en septembre dernier, dans l'écrasement de l'avion de la Swissair en Nouvelle-Écosse.

Parmi les droits qui doivent être reconnus et protégés d'urgence, il faut citer:

le droit de rechercher, de recevoir et de diffuser de l'information sur la prévention et le traitement du VIH;

le droit à la sécurité de la personne et à la protection contre les rapports sexuels forcés, le viol et les autres formes d'exploitation;

le droit à la santé et le droit de recevoir des services de santé abordables et corrects, y compris en matière de planification des naissances, de sexualité et de reproduction, dans un but de protection contre le sida;

le droit à la confidentialité et le droit d'être traité avec respect par les pourvoyeurs de services sanitaires et sociaux;

le droit d'être protégé contre la discrimination, y compris la discrimination fondée sur le sexe, l'âge, la séropositivité et l'orientation sexuelle;

le droit de recevoir une instruction et d'acquérir les compétences, ainsi que la confiance en soi et les connaissances nécessaires pour pouvoir travailler et réaliser son potentiel;

le droit à l'emploi et le droit de recevoir une rémunération qui permette de vivre dans des conditions de dignité humaine fondamentale;

le droit à l'égalité devant la loi et, pour les femmes en particulier, le droit d'être propriétaire, d'hériter et de transmettre des biens fonciers et d'autres biens productifs;

le droit, pour les enfants et les jeunes, de grandir dans un milieu favorable;

le droit de profiter des avantages découlant du progrès scientifique.

Ces droits jouissent déjà d'une reconnaissance internationale dans des traités que le Canada a signés, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et la Convention relative aux droits de l'enfant.

[Traduction]

Honorables sénateurs, je vois parfaitement les liens qui existent entre la formation et la protection des droits de la personne, la victoire sur le sida et l'amélioration de la santé et de l'éducation des femmes dans les pays en développement.

(1550)

J'espère que cette Chambre fera tout son possible pour veiller à ce que ces liens soient pris en considération dans les politiques et les programmes d'aide au développement. Ce serait une façon de marquer le cinquantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme et de montrer qu'elle est toujours pertinente à l'aube du nouveau millénaire.

(Sur la motion du sénateur Wilson, le débat est ajourné.)

[Français]

La situation de la pauvreté au Canada

Interpellation

L'honorable Thérère Lavoie-Roux, ayant donné avis le mardi 9 février 1999:

Qu'elle attirera l'attention du Sénat sur la situation de la pauvreté au Canada, plus particulièrement sur la pauvreté chez les enfants, les pactes internationaux relatifs aux droits de la personne signés par le Canada, le difficile passage de l'aide sociale au marché du travail, et les répercussions que les réductions de l'aide sociale dans tout le Canada ont eues sur les pauvres, en espérant que nos discussions aboutiront à des recommandations sur les moyens de réduire la pauvreté.

- Honorables sénateurs, je veux aujourd'hui vous parler - ce n'est pas la première fois et j'espère que je n'aurai pas à le faire trop souvent d'ici ma retraite - de la pauvreté au Canada, un grave problème social qui suscite la compassion de tous.

La pauvreté a de multiples visages. Nous avons tous, dans notre tête et dans notre c9ur, des images mentales de personnes frappées par la pauvreté: la personne découragée qui fait la queue au bureau de l'assurance-emploi; l'enfant mal vêtu qui grelotte; les adolescents qui mendient dans la rue; ou cet homme qui avait trouvé refuge sur une grille d'aération, à deux pas de la législature provinciale, et que l'on a retrouvé mort un matin de la semaine dernière, et dont nous a parlé avec beaucoup d'émotion le sénateur Cohen.

Mais qu'est-ce donc que la pauvreté exactement? Comment mesure-t-on la pauvreté? Statistique Canada signale qu'il n'existe pas de définition acceptée de la pauvreté au Canada. Le fait que nous n'ayons même pas de définition commune reconnue de la pauvreté témoigne éloquemment du peu d'intérêt du gouvernement fédéral pour la question. Sur le plan statistique, il est difficile de déterminer le nombre de personnes pauvres. La plupart des mesures employées reposent sur le revenu et ne saisissent donc qu'un aspect de la pauvreté. La mesure la plus courante, à savoir les seuils de faible revenu de Statistique Canada, rend compte de la pauvreté relative, d'un point de vue relatif. Les familles à faible revenu sont celles qui sont en plus mauvaise posture au Canada. J'ai quelques chiffres à ce sujet, qui proviennent de Statistique Canada et du Conseil national du bien-être social.

[Traduction]

La pauvreté est un problème très répandu au Canada. Quelque 17,9 p. 100 des Canadiens sont pauvres. Cela représente près de 5,3 millions de gens, soit un Canadien sur six. Le problème est pire en ce qui concerne les enfants. Un enfant sur cinq vit dans la pauvreté au Canada.

Le Canada est, après les États-Unis, le deuxième pays à avoir le taux de pauvreté chez les enfants le plus élevé. Comment pouvons-nous, honorables sénateurs, tolérer une telle chose? Ce n'est pas acceptable.

En 1989, le gouvernement s'est engagé à éradiquer la pauvreté chez les enfants d'ici l'an 2000. Depuis, le nombre d'enfants vivant dans la pauvreté a augmenté de 58 p. 100. Le problème est des plus alarmants.

En 1991, le comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a produit un rapport intitulé: «La pauvreté dans l'enfance: vers un avenir meilleur». Nous avons entendu de nombreux témoins qui nous ont confirmé le fait que la pauvreté chez les enfants ne peut pas être prise isolément. Les enfants qui vivent dans la pauvreté sont les fils et les filles de parents pauvres.

Les témoins ont parlé de la difficulté de plus en plus grande qu'avaient les familles à faible revenu et à revenu moyen à joindre les deux bouts et du fait que la pauvreté est en partie attribuable à la dégradation de la situation économique que connaissent les familles qui ont des enfants. Contrairement à ce que l'on croit, la majorité des enfants pauvres vivent avec les deux parents - des travailleurs à faible revenu, des chômeurs, des sous-employés, des malades et des personnes handicapées.

[Français]

Prenons quelques minutes pour examiner le revenu réel d'une famille pauvre. En 1996, un couple d'assistés sociaux élevant deux enfants au Québec disposait d'un revenu total de 16 000 dollars, ce qui comprend l'aide sociale et les prestations additionnelles comme la prestation nationale pour enfants et le crédit pour la TPS. Seize mille dollars en tout pour quatre personnes, pendant 12 mois, c'est-à-dire 44,12 $ par jour. Au Québec, une famille de quatre personnes qui dépend de l'aide sociale doit se débrouiller avec 44 $ par jour. On a du mal à imaginer comment on peut s'en tirer avec de si maigres ressources.

Beaucoup de familles pauvres arrivent à subvenir aux besoins de leurs enfants malgré leur pauvreté, mais il reste que les familles pauvres sont exposées à des risques particuliers. Les mères de famille pauvres risquent deux fois plus que les autres de mettre au monde un enfant prématuré et de faible poids qui mourra avant l'âge de 30 ans. Les enfants de familles pauvres ont une espérance de vie moindre que les autres et risquent deux fois plus d'avoir des problèmes de santé chroniques. Sur le plan de l'éducation, les enfants de familles à faible revenu risquent trois fois plus que les autres de redoubler leur année scolaire. Par ailleurs, les statistiques sur le logement révèlent que le nombre de familles pauvres qui vivent dans un logement au-dessus de leurs moyens a augmenté de 68 p. 100 entre 1990 et 1995. Ces chiffres attestent que certains enfants sont grandement désavantagés par rapport à d'autres.

Le comité sénatorial qui s'est penché sur la question de la pauvreté des enfants dans l'espoir d'y trouver des solutions a formulé 16 recommandations, dont presque aucune n'a eu de suites. Le comité avait recommandé des mesures préventives combinant des programmes de soutien du revenu et des services. Il est à la fois intéressant et triste de noter que, au moment où le rapport du comité est paru, un enfant sur six vivait dans la pauvreté contre un sur cinq maintenant. Nous perdons du terrain au lieu d'en gagner. S'il est vrai que la santé et la vigueur d'une société se mesurent à l'importance que cette société accorde au bien-être de ses enfants, le fait qu'il y a actuellement presque un million et demi d'enfants pauvres au Canada n'est pas de bon augure.

[Traduction]

J'ai parlé de la pauvreté infantile et des familles à faible revenu. Nous savons également que beaucoup de femmes vivent dans la pauvreté. Quelque 46,6 p. 100 des femmes seules vivent dans la pauvreté, comparativement à 33,9 p. 100 pour les hommes. Quelque 92 p. 100 des mères célibataires de moins de 25 ans vivent sous le seuil de faible revenu.

Les personnes âgées aussi sont exposées à la pauvreté. Un Canadien de plus de 65 ans sur cinq vit sous le seuil de la pauvreté.

L'incidence de la pauvreté parmi les peuples autochtones est également un grave sujet de préoccupation. Nous avons lu des articles sur ce sujet pendant le congé des fêtes. Les statistiques sont alarmantes. En 1990, près de la moitié des autochtones avaient un revenu inférieur à 10 000 $, soit près de la moitié du revenu moyen de l'ensemble des Canadiens.

Les personnes handicapées aussi ont des revenus inférieurs à ceux de la population en général. La plupart des Canadiens handicapés sont pauvres. Le régime fiscal fédéral leur apporte bien une aide pour payer les frais supplémentaires associés à un handicap, comme les services ou le matériel nécessaires pour la vie de tous les jours, mais les personnes handicapées restent surreprésentées parmi la population pauvre.

Je vous le demande, honorables sénateurs, que pouvons-nous faire pour que notre société soit plus juste pour tous ses citoyens, y compris les enfants, les personnes âgées, les autochtones, les femmes et les personnes handicapées? Dans quelle mesure voulons-nous aider les gens qui vivent dans la pauvreté?

[Français]

Si l'on en juge par le produit intérieur brut par habitant, le Canada est plus riche que tous les pays d'Europe. Pourtant, en proportion du PIB, nous dépensons moins que les pays européens au chapitre de la sécurité sociale et autres mesures de soutien du revenu, y compris l'assurance-emploi.

La France, l'Allemagne, les Pays-Bas et la Suède refusent de tolérer des niveaux élevés de pauvreté des familles; ils offrent davantage de mesures d'emploi et de soutien du revenu pour aider les familles qui élèvent des enfants.

Partout dans le monde, le Canada est considéré comme un pays sûr et prospère. Pourtant, comme le montrera le sénateur Kinsella, le manque d'efforts du Canada pour éliminer la pauvreté commence à ternir notre réputation internationale.

Honorables sénateurs, nous vivons dans un pays riche où le niveau de vie est élevé, mais nous continuons de tolérer que des millions de nos concitoyens vivent dans la pauvreté.

Nous dépensons des centaines de milliers de dollars pour faire des études et rédiger des rapports sur la pauvreté qui nous précisent encore et encore qui est financièrement désavantagé dans notre pays et ce que le gouvernement pourrait faire pour remédier aux inégalités structurelles qui perpétuent le cycle de la pauvreté. Tout cela pour ensuite souscrire à des politiques qui nuisent aux personnes à faible revenu et à revenu moyen, des politiques qui nous jettent sur les écueils mêmes contre lesquels ces études nous avaient pourtant mis en garde.

On constate, par exemple, que le nombre de logements sociaux est à son plus bas depuis le début du siècle, alors que le nombre de sans-abri ne cesse d'augmenter. Les banques d'alimentation n'arrivent plus à répondre à la demande des personnes qui n'ont pas les moyens de se nourrir ou de nourrir leurs enfants, et l'on réduit les taux des prestations d'aide sociale au lieu de les augmenter.

Je pense qu'hier, tristement d'une certaine façon, nous avons été témoins, sur la colline parlementaire, des problèmes auxquels font face les sans-abri et les gens à très faible revenu.

Personnellement, j'estime que, trop souvent, nous tournons le dos aux pauvres. Nous fermons les yeux sur leur sort et dépensons de l'argent - l'argent des contribuables - pour financer des dépenses dont ceux qui ont le plus besoin d'aide ne profiteront jamais.

Je vais m'abstenir de donner des exemples de dépenses de la Chambre des communes ou du Sénat que l'on devrait examiner de très près. On devrait penser que chaque dollar dépensé, qui n'est pas absolument essentiel ou nécessaire, contribue probablement à ajouter un peu de pauvreté à ceux qui auraient besoin de revenus supplémentaires. C'est pour cette raison que je pense que le comité de la régie interne, des budgets et de l'administration devrait être extrêmement sévère avant de permettre des dépenses qui ne sont pas strictement nécessaires.

La caisse de l'assurance-emploi affiche un excédent de 20 millions de dollars. Ne serait-il pas logique de réinvestir des ressources financières dans nos citoyens en offrant des logements abordables et stables, des services de garde d'enfants accessibles, des services de formation professionnelle et de placement pertinents, de même qu'une aide financière suffisante? Ne serait-il pas logique d'aider ceux dont les besoins sont les plus grands?

[Traduction]

La question de la cohésion sociale au Canada, qui est actuellement à l'étude au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, que préside le sénateur Murray, effleure souvent les valeurs que sont la confiance et la réciprocité. J'invite les honorables sénateurs à se pencher sur ce que fait le gouvernement pour instaurer un sentiment de confiance dans notre pays. Il faut donner l'exemple, en qualité de chefs de file, c'est-à-dire adopter des politiques équitables à l'égard de tous les Canadiens et être à l'écoute des besoins des citoyens.

Jeudi dernier, le comité des affaires sociales a entendu un groupe, The Society We Want, qui a mené un sondage auprès de 3 000 Canadiens concernant les valeurs sociétales, les valeurs qui sont ressorties des discussions que le groupe a organisées, et la principale valeur mentionnée est un fort sentiment de compassion. Les Canadiens, nous apprend-on, attachent de la valeur à la compassion et nous, en tant que dirigeants, devons respecter cette valeur car, en dernière analyse, nous représentons les gens et les valeurs qu'ils chérissent.

Honorables sénateurs, comme je l'ai dit au début de mon intervention, la pauvreté suscite de la compassion chez chacun d'entre nous. Les personnes à faible revenu souffrent de façon disproportionnée au Canada et elles comptent sur nous, soit le gouvernement du Canada, pour adopter des mesures qui élimineront la pauvreté au pays et permettront de répondre aux besoins fondamentaux de tous les Canadiens.

En terminant, je propose que le Sénat forme un comité non partisan. Il n'y a pas de place pour l'esprit partisan lorsque des questions aussi importantes sont abordées. Je regarde de l'autre côté de la Chambre et je vois les sénateurs Pearson, Milne et Cools, et je pourrais en nommer de nombreux autres.

Le sénateur Taylor: Vous laissez les hommes de côté!

Le sénateur Lavoie-Roux: Et les sénateurs Taylor et Mahovlich. Je suis convaincue qu'ils partagent les mêmes préoccupations. Nous pourrions former un comité non partisan.

Je ne tiens pas à aborder de nouveau le sujet de la pauvreté dans cette Chambre. J'en ai assez de répéter continuellement des statistiques qui montrent que les gens sont pauvres. Nous devrons trouver des moyens de nous attaquer à la racine même du problème de la pauvreté. J'espère que je peux compter sur chacun d'entre vous pour établir ce comité afin que nous puissions progresser sur la voie de l'élimination de la pauvreté au Canada.

L'honorable Norman K. Atkins: Honorables sénateurs, je veux ajouter mes observations à celles qu'a déjà faites ma collègue, le sénateur Lavoie-Roux. J'appuie sans réserve son idée de former un comité du Sénat sur la pauvreté. Je me propose aujourd'hui d'aborder deux des nombreuses questions auxquelles les pauvres sont confrontés au Canada. Premièrement, je vais parler de certains des principaux obstacles auxquels se heurtent les pauvres et qui viennent directement de nous, les gouvernements, particulièrement en ce qui concerne la transition presque impossible entre l'aide sociale et le travail. Deuxièmement, je vais parler de la relation entre le secteur financier au Canada, particulièrement les banques, et les personnes dont le revenu est égal ou inférieur au seuil de la pauvreté.

Certains demanderont peut-être ce que nous savons de la pauvreté puisque nous avons des emplois sûrs et un régime de pension. Comment pouvons-nous donner des conseils sur la politique gouvernementale à adopter à cet égard? Franchement, je crois que nous sommes bien placés pour débattre ces questions. Ceux d'entre vous qui connaissent bien le sujet ou l'histoire de cet endroit se souviendront du travail qu'a fait le regretté sénateur David Kroll dans ce domaine. En 1968, le comité spécial du Sénat sur la pauvreté a été formé pour enquêter et faire rapport sur tous les aspects de la pauvreté au Canada, dans les villes, les campagnes, les régions, et cetera, pour définir et élucider le problème de la pauvreté au Canada et pour recommander de prendre des dispositions appropriées afin d'assurer l'organisation d'un ensemble de correctifs plus efficaces. Ce comité, présidé par le sénateur Kroll, a passé plus de deux ans à écouter les Canadiens et à se familiariser avec le problème de la pauvreté. Son rapport intitulé: «La pauvreté au Canada», publié en 1971, a révélé que de nombreux Canadiens vivaient sans ce que nous considérerions comme les nécessités de la vie.

En 1991, le comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a fait une étude sur la pauvreté chez les enfants. En juin 1994, le sénateur Heath McQuarrie a fait au Congrès des sociétés savantes une communication intitulée: «Poverty in Canada: A Vital Challenge».

Plus récemment, le sénateur Erminie Cohen, ma collègue du Nouveau-Brunswick, s'est penchée sur ce sujet dans une publication intitulée: «Sounding the Alarm: Poverty in Canada». Elle a également présenté un projet de loi d'initiative parlementaire, le projet de loi S-11, qui a été adopté au Sénat le 9 juin 1998. Ce projet de loi ajouterait la condition sociale - autrement dit, la pauvreté - aux motifs illicites de discrimination énoncés dans la Loi canadienne sur les droits de la personne.

J'ai parlé de cette question au Sénat en avril 1997 et je pense qu'il convient de revenir sur le sujet alors que nous entrons dans la troisième année de la décennie internationale des Nations Unies pour l'élimination de la pauvreté. En 1989, les députés de l'autre endroit se sont engagés à l'unanimité à éliminer la pauvreté chez les enfants avant l'an 2000. Malheureusement, depuis, le taux de pauvreté chez les enfants a atteint des niveaux records. Comme il n'y a pas d'enfants pauvres sans parents pauvres, la pauvreté à tous les niveaux atteint des proportions sans précédent.

(1610)

Qui sont les pauvres au Canada? Ce sont parfois des célibataires, parfois des familles monoparentales, parfois des familles à deux parents, et les personnes âgées pour qui survivre est une lutte de tous les jours. Ils sont nombreux, 5,2 millions en tout. Selon Statistique Canada, une personne sur six est pauvre. C'est un segment croissant de la population. La pauvreté est de plus en plus prononcée chez les enfants et leurs familles, particulièrement les familles monoparentales habituellement dirigées par une femme. Un enfant sur cinq est maintenant pauvre. Autrement dit, près de 2 millions d'enfants vivent dans la crainte constante de ne pas avoir de logement ni de quoi s'habiller et se chausser, ou de quoi manger. Les enfants qui grandissent au Canada ne devraient pas avoir à s'inquiéter de ces choses.

Depuis la fin des années 80, le taux de pauvreté chez les enfants a augmenté de 60 p. 100 à l'échelle du Canada et de 116 p. 100 en Ontario. Une étude de Statistique Canada sur la répartition du revenu révèle que ceux qui se trouvent au bas de l'échelle perdent du terrain chaque année.

Honorables sénateurs, la question est complexe. Bien évidemment, les enfants sont pauvres parce que leurs parents sont pauvres. La pénurie d'emplois à plein temps, la réduction des prestations sociales, les compressions qui ont touché l'assurance-chômage, et la hausse continue du coût de la nourriture, du logement et des vêtements perpétuent le cercle vicieux de la pauvreté.

Bien que le taux de chômage publié par Statistique Canada soit tombé à 8,7 p. 100 ces derniers mois, ce qui demeure tout de même trop élevé, nous savons que cette situation est davantage attribuable au fait que les gens renoncent à chercher de l'emploi ou ont épuisé leurs prestations d'assurance-chômage qu'à la création de véritables emplois à temps plein.

Les emplois à temps partiel dans le secteur des services et des emplois contractuels semblent être devenus la forme d'emploi la plus fréquente. Malheureusement, ces emplois ne sont qu'à temps partiel et, pour la plupart, rémunérés au salaire minimum. Le salaire minimum, qui est insuffisant, touche directement les groupes sociaux qu'on appelle les «travailleurs pauvres». Les faibles salaires accordés dans les emplois à temps partiel dissuadent par ailleurs les prestataires de l'aide sociale de chercher de l'emploi. D'autres, qui vivent sous le seuil de la pauvreté vont et viennent entre l'emploi, les prestations d'assurance-chômage et l'aide sociale.

Les plus vulnérables parmi ces gens sont les mères célibataires, qui subviennent à leurs besoins et à ceux de leurs enfants grâce aux prestations d'aide sociale. Au milieu de la décennie actuelle, 73 p. 100 des mères célibataires pauvres étaient prestataires de l'aide sociale. Notre économie, à cause de la façon dont elle fonctionne, fait en sorte que de nombreuses femmes sont maintenant victimes de discrimination.

Honorables sénateurs, que pouvons-nous faire, en tant que législateurs fédéraux, pour remédier à ces problèmes?

Premièrement, nous devons examiner de près notre régime d'impôt sur le revenu. Le seuil d'exemption de l'impôt sur le revenu doit être relevé, afin d'aider les travailleurs pauvres. Il est ridicule que des personnes qui gagnent 8 000 $ par année doivent payer de l'impôt sur le revenu.

Nous devons revoir la façon dont nos programmes sociaux sont structurés et administrés. Il faudra, pour y arriver, un changement d'attitude de la part des législateurs et du personnel de l'appareil bureaucratique. Les pauvres ne sont pas de mauvaises gens. Ils ne doivent pas être punis par une réduction constante des prestations. La grande majorité des pauvres ne sont pas responsables de leur situation. En fait, ils aimeraient bien avoir un véritable emploi. On doit leur donner de l'espoir, l'espoir que s'ils participent à un programme de recyclage et le terminent avec succès, ils obtiendront un emploi qui leur permettra de mettre à profit les compétences qu'ils ont acquises. Ces personnes doivent avoir l'assurance que si elles occupent un emploi à temps partiel, cela n'entraînera pas une diminution radicale de leurs prestations d'aide sociale. Nous devons récompenser et non pas pénaliser les pauvres qui s'efforcent de s'affranchir de l'aide sociale.

Honorables sénateurs, les gens ne peuvent pas acquérir de nouvelles compétences ou aspirer à un emploi en exportation quand ils se demandent s'ils auront de quoi manger demain ou quand ils vivent dans la crainte de recevoir un avis d'éviction. Les besoins fondamentaux doivent d'abord être satisfaits. Les besoins fondamentaux sont la nourriture, le logement, la chaleur, la lumière, le vêtement, l'eau potable, la protection contre la violence et les abus physiques.

Les régimes de soins de santé doivent tenir compte du fait que les pauvres de notre société ont besoin d'aide en matière de développement des jeunes enfants, d'estime de soi, de soutien psychologique et de conseils sur la santé mentale et l'abus de drogues et d'alcool. Afin de pouvoir participer à des programmes de formation, les pauvres doivent avoir accès à des services de garderie et toucher un supplément de revenu pour compenser les dépenses liées au travail, comme les frais de déplacement par exemple.

La plupart d'entre nous au Sénat savent qu'une des clés de la prospérité économique, c'est l'éducation. Les gouvernements doivent travailler ensemble pour faire en sorte que les pauvres puissent améliorer leurs compétences et faire des études. Il faut également leur donner les outils qui leur permettent de profiter des possibilités d'études. Je n'ai pas le temps d'entrer dans les détails aujourd'hui; j'espère seulement que d'autres sénateurs reviendront à la charge.

Nous devons trouver les fonds nécessaires pour permettre aux pauvres de notre société d'avoir accès à l'enseignement postsecondaire. Les gouvernements devraient mettre des fonds, sous forme d'une aide financière fondée sur le revenu et non pas d'un prêt, à la disposition de tous ceux qui se situent au bas de l'échelle économique mais qui ont les aptitudes voulues, afin qu'ils poursuivent leurs études au collège communautaire ou à l'université.

Nous entrons dans une période d'excédent budgétaire. L'obsession dont nous avons été témoins au cours des dernières années à l'égard de l'équilibre du budget, et ce souvent aux dépens de ceux qui n'étaient pas en mesure de l'assumer, pourrait peut-être maintenant faire place à l'adoption de mesures en vue d'améliorer la situation des pauvres de notre pays. Pour ce faire, d'importantes ressources financières devront être engagées par tous les niveaux de gouvernement.

En 1988, le gouvernement de l'Ontario a demandé qu'on effectue une révision des programmes d'aide sociale dans la province. Les résultats ont été publiés dans un rapport de 624 pages intitulé «Transitions», qui traite en détails de tout le programme du passage de l'aide sociale au travail. Les recommandations contenues dans ce rapport n'ont jamais été mises en oeuvre parce qu'elles étaient trop coûteuses. Je crois que le temps est venu pour les gouvernements de se donner la main et de collaborer avec les groupes d'intervention à des causes communes pour trouver des solutions aux problèmes de la pauvreté. Il serait peut-être bon qu'ils se basent sur l'étude menée par le juge George Thomson.

Honorables sénateurs, j'aimerais faire une petite digression pour parler de l'accès des pauvres aux institutions financières. C'est là une question que le groupe de travail MacKay chargé d'étudier les institutions financières a étudiée en profondeur. De même, notre comité sénatorial sur les banques, chargé d'étudier les recommandations, a entendu les commentaires de bon nombre de groupes importants de lutte contre la pauvreté et de l'Association des banquiers canadiens.

Le groupe de travail MacKay a adopté pour position qu'il est essentiel que tous les Canadiens aient accès aux produits et services bancaires de base. Selon le groupe de travail, le gouvernement fédéral a étudié la question avec les banques, mais les attitudes et les barrières culturelles seraient les principaux empêchements. Autrement dit, même si la direction de nos grandes banques se montre sympathique aux difficultés des pauvres à obtenir du service, les succursales n'en ont pas eu vent.

Je crois que si le projet de loi S-11 du sénateur Cohen était adopté et que la condition sociale était inscrite dans la Loi sur les droits de la personne, nous aurions fait un grand pas vers la solution de ce problème qu'ont les pauvres au Canada.

Je suis d'accord avec les recommandations du rapport du groupe de travail MacKay. Les gouvernements devraient faire en sorte que les chèques qu'ils émettent puissent être encaissés plus facilement, sans que les fonds soient gelés. En outre, la recommandation portant sur la formation du personnel bancaire devrait être mise en oeuvre, afin que les pauvres de la société soient bien accueillis dans nos institutions financières, plutôt que méprisés.

Honorables sénateurs, pour soulager la pauvreté au Canada, il faudra les efforts concertés de tous les gouvernements, de l'industrie et des groupes intéressés. Cela ne se fera pas du jour au lendemain, mais il est temps de fixer de nouveaux objectifs, des objectifs réalisables à court terme, des objectifs qui donneront de l'espoir à ceux qui se sentent démunis en raison de leur condition sociale.

Honorables sénateurs, j'ai hâte d'entendre les autres interventions sur la question et les recommandations positives qu'on pourrait faire dans l'espoir de trouver une solution qui règle ce grave problème de notre société.

(1620)

L'honorable John B. Stewart: Honorables sénateurs, le sénateur Atkins accepterait-il de répondre à deux questions?

Le sénateur Atkins: Certainement.

Le sénateur Stewart: Je vais les poser ensemble, car je sais que le sénateur a une bonne mémoire.

Ces jours-ci, nous entendons beaucoup parler du projet d'union sociale au Canada et nous constatons à quel point il est difficile de composer avec les programmes sociaux existants. Si, par exemple, le Parlement du Canada, adoptait des dispositions législatives par rapport aux problèmes de pauvreté que le sénateur a soulevés, nous accuserait-on, encore une fois, de nous immiscer subrepticement dans les compétences provinciales? Par ailleurs, les gouvernements provinciaux demanderaient-ils qu'on leur envoie de l'argent qu'ils dépenseraient ensuite à leur guise? Il y a ce problème très concret. Le sénateur Atkins a-t-il une solution à proposer?

Ma deuxième question concerne le problème de l'imposition, dont a parlé le sénateur Atkins. Il y a longtemps, lorsque j'étais étudiant de premier cycle, on m'a appris qu'il ne fallait pas exempter de l'impôt certaines catégories de personnes ou, comme on les appelait à l'époque, les gens sous le seuil d'imposition, parce que le fait de payer des impôts signifiait qu'on participait aux finances nationales. Je comprends qu'il y a des arguments dans l'autre sens, mais à supposer que cet argument soit valable, comment surmontons-nous le problème? Allons-nous diviser officiellement la population entre ceux qui sont nantis et ceux qui sont démunis? Ce n'est certainement pas souhaitable.

L'autre question qui se pose, c'est celle de l'imposition des gens assujettis à l'impôt. On peut supposer qu'il faudra hausser leurs impôts, à moins que, comme l'a proposé le sénateur Lavoie-Roux, nous puissions réduire le budget de la Chambre des communes et d'autres organisations semblables.

Il y a deux ans, j'ai demandé au ministre des Finances de combien de pouvoir discrétionnaire il disposait par rapport à l'imposition et il a répondu qu'en ce qui concerne l'impôt sur le revenu des particuliers, le résultat net doit être pratiquement le même qu'aux États-Unis, mais qu'on peut y arriver d'une façon différente. Il a donné l'exemple du coût de l'assurance-maladie. Selon lui, ce coût doit rester pratiquement inchangé, sinon l'idée fort répandue selon laquelle les impôts aux États-Unis sont moins élevés qu'au Canada entraînera probablement une intensification de l'exode des cerveaux canadiens vers les États-Unis.

Ma première question porte sur la compétence et ma deuxième, sur le problème d'exclure des gens, de les exempter de l'obligation qu'ont les citoyens ordinaires de payer des impôts et, lié à tout cela, sur la perte de l'indépendance que nous avions auparavant en matière d'impôt sur le revenu des particuliers et d'impôt sur les sociétés en raison de l'accord de libre-échange.

Le sénateur Atkins: Je ne suis pas un spécialiste des impôts et de l'imposition, mais les choses ont changé et je ne vois comment, à notre époque, vous pouvez ne pas séparer les pauvres des autres. Il me semble que le temps est venu de reconnaître que les gens qui gagnent 8 000 $ devraient être exonérés d'impôts. C'est un salaire beaucoup trop bas.

Pour répondre à la première question du sénateur, il s'agit de négocier et d'établir des priorités en ce qui concerne les responsabilités que nous avons au sein de chaque gouvernement, pas seulement le gouvernement fédéral, mais les gouvernements provinciaux, voire les municipalités. Si vous vous déchargez de vos responsabilités sur les provinces, les provinces demanderont plus d'argent. C'est normal.

Cependant, la question est maintenant plus vaste. Le gouvernement fédéral doit maintenant discuter avec les provinces de la nouvelle répartition des responsabilités entre les différents gouvernements. La pauvreté doit être l'une des principales questions à l'ordre du jour.

Le sénateur Stewart: Je remercie le sénateur Atkins de cette réponse. Il m'a déçu, car il ne s'est pas souvenu d'une de mes questions.

Je les pose parce que j'estime que le problème qu'ont soulevé le sénateur Lavoie-Roux et le sénateur Atkins est réel, et je tente de savoir si nous pourrions lever certains obstacles à la réalisation de l'objectif que nous visons tous. Il s'agit des impôts, dans certaines catégories, qui sont trop élevés par rapport à ceux des États-Unis. Le sénateur Atkins a dit qu'il faudrait plus d'argent. D'où viendra cet argent?

Si le ministre Martin a raison de dire que, dans l'ensemble, l'impôt sur le revenu des particuliers doit être pratiquement le même au Canada et aux États-Unis, du moins pour certaines catégories de personnes qui sont très mobiles, il semble que cette option n'existe pas. Pour certaines industries - je ne parle pas de celles qui extraient de l'or ou du pétrole - qui décident de construire leur nouvelle usine en Ohio, encore une fois, l'impôt sur les sociétés est fonction du régime fiscal américain. En outre, au Canada, le problème du climat a tendance à faire augmenter les coûts.

Le sénateur a-t-il songé au problème que pose la provenance de l'argent supplémentaire dont il a parlé? S'il dit que non, je ne serai pas déçu, car toute la question est très compliquée, et il faudra que bien des sénateurs y réfléchissent longuement pour ne serait-ce qu'y trouver un début de réponse.

Le sénateur Atkins: La réponse est non, bien que j'estime que, dans l'examen de toute la question des priorités sociales, il serait possible d'inclure la pauvreté dans les négociations et les discussions. Il faudra peut-être remettre de l'ordre dans nos priorités en matière de dépenses.

[Français]

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint suppléant de l'opposition): Honorables sénateurs, j'aimerais exprimer mes remerciements au sénateur Lavoie-Roux, qui a porté à l'attention du Sénat la situation de la pauvreté au Canada, plus particulièrement chez les enfants, et les pactes internationaux relatifs aux droits de la personne signés par le Canada.

[Traduction]

Je vais mettre mes notes de côté parce que je m'interroge sur le débat que vient d'entamer le sénateur Stewart. Je voudrais m'arrêter un moment sur la question de la pauvreté et de l'argent qui est dans le système.

Honorables sénateurs, la pauvreté est un fléau social. Je pense que nous en convenons tous.

Pour parler de pauvreté, on doit aborder divers domaines sociaux, que ce soit le logement, la santé, la sécurité sociale ou même l'éducation.

Prenons l'éducation. Bien des gens pensent qu'il y a une crise au Canada pour ce qui est de l'accès ou de la hausse vertigineuse des coûts, en particulier au niveau postsecondaire. Ce qui me dérange, c'est que, en tant que pays, nous avons investi des sommes faramineuses au niveau postsecondaire, mais que les étudiants s'endettent lourdement.

Les Canadiens ont investi massivement dans les services sociaux et dans la santé. Pourtant, il semble que ces deux domaines soient en crise. À mon avis, il y a quelque chose qui ne va pas du tout dans la façon dont nous dépensons nos ressources, car nous consacrons des sommes considérables dans ces domaines.

Si nous comparons le pourcentage de notre produit intérieur brut avec celui des autres pays, il me semble que nous ne devrions pas être aux prises avec des problèmes aussi graves.

J'ai parcouru avec un certain intérêt le débat que l'autre endroit a consacré au projet de loi S-11. Des députés réformistes ont soutenu que ce qu'il nous faut, c'est plus d'emplois. Leur solution consiste à abaisser le taux de chômage.

Honorables sénateurs, considérons les pays qui ont un taux élevé d'emploi; autrement dit, un taux de chômage faible. Prenons nos voisins du sud. N'avons-nous pas vu de nos propres yeux les manifestations de la pauvreté en visitant Detroit, Chicago ou New York? N'avons-nous pas vu des sans-abris, des marginaux des rues, et cetera?

À mon sens, c'est la preuve évidente que la solution au problème de la pauvreté est complexe. Il ne suffit pas de dire, pour résorber la crise de la pauvreté, que nous avons besoin de plus d'emplois ou qu'il faut abaisser le taux de chômage.

Honorables sénateurs, nous pratiquons une politique de tolérance zéro pour une foule de choses. Pourquoi ne pas le faire dans le cas de la pauvreté? Voilà l'objectif à atteindre. Comment nous y prendre pour mesurer les progrès accomplis vers cet objectif de tolérance zéro?

Les sénateurs Lavoie-Roux et Atkins ont attiré notre attention sur certains faits concernant la pauvreté chez les enfants. Vers la fin des années 80, le premier ministre Mulroney a prêté son concours à la ratification de la Convention relative aux droits de l'enfant. Il a aussi présidé la Conférence mondiale sur les enfants. Le problème de la pauvreté ressortait alors avec une intensité si choquante que nous nous sommes donné des objectifs en vue d'éradiquer la pauvreté chez les enfants avant l'an 2000. Les statistiques montrent que nous avons fait tout le contraire de ce que nous souhaitions.

Depuis huit ou neuf ans, avons-nous surveillé les mesures prises par les autorités fédérales et provinciales pour combattre la pauvreté chez les enfants et régler le problème des sans-abri? Je ne connais aucun mécanisme de l'État qui le fasse. Il y a beaucoup d'organisations non gouvernementales qui ont des champs d'intérêt particuliers et de groupes d'intérêts qui se soucient de développement social. Mais nous n'avons aucun mécanisme de vérification sociale. Le vérificateur général nous dit dans quelle mesure les deniers publics sont bien ou mal dépensés. Mais nous n'avons aucun mécanisme chargé de la vérification sociale qui nous permette de voir avec quelle habileté nous utilisons les ressources énormes, selon moi, que nous consacrons à la lutte contre la pauvreté. Nous n'obtenons malheureusement pas les résultats souhaités.

Il n'y a pas que moi qui dis, honorables sénateurs, que nous ne parvenons pas aux résultats en question. C'était la conclusion de la vérification sociale effectuée par le comité international des Nations Unies qui supervise le respect du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Les honorables sénateurs se rappellent sans doute que ce comité, qui a fait rapport juste avant Noël, a reçu des renseignements au sujet d'un certain nombre de cas de gens vivant dans la pauvreté au Canada, généralement des femmes et des enfants, auxquels mes collègues qui m'ont précédé ont fait allusion, qui ont présenté des réclamations contre les gouvernements fédéral et provinciaux.

L'obligation contenue dans le pacte s'applique aux gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux. Le Canada a ratifié ce pacte international en 1976. Cette ratification a eu lieu avec l'accord écrit et l'encouragement de tous les gouvernements au Canada. C'était unanime. Dans les archives du Bureau du Conseil privé, on peut trouver des lettres des premiers ministres de toutes les provinces et des dirigeants territoriaux de l'époque.

La norme contenue dans le pacte a reçu l'aval de toutes les provinces et de tous les territoires au Canada. Le mécanisme de vérification sociale a reçu cet appui. En fait, tous les gouvernements ont collaboré, dans le cadre du travail géré par le comité permanent de fonctionnaires responsables de la législation sur les droits de la personne au Canada, le comité présidé par la ministre du Patrimoine canadien, à la préparation du rapport canadien. Le ministre des Affaires étrangères a soumis ce rapport au secrétaire général des Nations Unies.

Pour revenir sur le point soulevé par le sénateur Stewart, nous devons nous pencher sur la question de compétence. Nous avons des bases, et il me semble que nous devrions bâtir à partir de là.

Je n'aurai pas le temps de revenir sur toutes les critiques formulées par le comité des Nations Unies, mais elles sont publiques et elles montrent clairement que nous devons mettre de l'ordre dans nos priorités. C'est le défi qui nous attend.

Il y a quelques années, le rapport du sénateur Croll et d'autres ont conduit le Sénat à établir son seuil de pauvreté. C'était une norme utile. Le traité international dont je parle prévoit également une norme. D'un point de vue opérationnel, nous avons ce mécanisme.

Nous devons nous mettre dans la tête de réaliser l'objectif de tolérance zéro pour ce qui est de la pauvreté au Canada et mettre en place les mécanismes voulus à cette fin.

(1640)

Je ne crois pas que nous devrions nous laisser détourner de notre but par des considérations monétaires. Nous avons les fonds nécessaires pour faire des progrès énormes dans la lutte que nous livrons au Canada contre la pauvreté sous toutes ses formes. De toute évidence, si nous augmentions le budget des programmes sociaux, cela nous faciliterait la tâche. Il ne faudrait pas, à mon avis, rater cette occasion simplement à cause de considérations monétaires.

Le sénateur Atkins: Le sénateur Kinsella accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Kinsella: Oui.

Le sénateur Atkins: Le sénateur Kinsella n'est-il pas d'avis que, si ce n'était de l'économie souterraine, les statistiques seraient encore pires qu'elles ne le sont actuellement?

Le sénateur Kinsella: Me fondant sur la situation au Nouveau-Brunswick, je dois dire que j'ai l'impression que bien des gens font preuve d'une grande ingéniosité pour garder leur famille unie et satisfaire aux besoins des membres de leur famille. Je ne doute pas un seul instant que ces gens respectent la loi et versent assidûment leur contribution régulière au régime fiscal. Les propres études de Revenu Canada montrent qu'il existe une économie souterraine assez importante. Toutefois, je laisse le soin à Revenu Canada de le confirmer.

Si l'objectif d'une économie souterraine est de créer une société en marge de la société canadienne, c'est très dangereux. Cela dénote un manque de cohésion sociale, question sur laquelle se penchent l'honorable sénateur Murray et son comité. Il s'agit alors d'une société en soi, et le pacte conclu entre la population et le gouvernement ne tient plus. Voilà ce que signifie une économie souterraine et voilà pourquoi elle pose un problème si grave.

L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, je voudrais faire valoir un ou deux points qui donneront, je l'espère, matière à réflexion au sénateur Stewart et aux autres que la question intéresse.

Premièrement, comme le sénateur Lavoie-Roux l'a fait remarquer, le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie étudie depuis quelques mois les dimensions de la cohésion sociale au Canada dans le contexte de la mondialisation et de la technologie. Il y a quelques semaines, le comité a recueilli le témoignage de l'honorable Ed Broadbent, que nous connaissons tous très bien. M. Broadbent a décrit les divers modèles de politiques économiques et sociales, si je puis m'exprimer ainsi, appliqués, d'une part, en Europe de l'Ouest et, d'autre part, en Grande-Bretagne, aux États-Unis et, dans une certaine mesure, au Canada.

Je n'ai pas besoin de décrire ces modèles aux sénateurs. Vous savez ce que donnent ces contraintes financières et monétaires dans les pays de langue anglaise: déréglementation, marchés ouverts et tout le reste. En Europe de l'Ouest, par contre, on insiste pour offrir des programmes sociaux de très haute qualité et, en fait, coûteux.

Après avoir parlé de cela, M. Broadbent a déclaré ceci - littéralement, je crois: «Je préférerais être un chômeur en Europe de l'Ouest qu'un travailleur à faible revenu aux États-Unis.» S'il affirme cela, c'est évidemment parce que le filet de sécurité sociale est beaucoup plus fort en Europe de l'Ouest qu'aux États-Unis. Il a ensuite parlé des 40 millions de travailleurs américains, je crois, qui ne bénéficient d'aucune assurance-maladie.

C'était très intéressant, mais il n'est pas sûr que tout le monde répondrait de cette manière à la question. On peut faire valoir, je crois, qu'un emploi est un emploi et qu'un emploi, aussi humble soit-il, est dans une certaine mesure un tremplin pour sortir d'une vie de pauvreté et de chômage. C'est évidemment là ce que croient et préconisent les Américains dans leur société.

Un autre jour, un débat s'est engagé, sans parvenir à une conclusion satisfaisante, entre le sénateur Grafstein et deux universitaires qui sont venus nous parler des écarts de revenus dans divers pays, dont les États-Unis. Le sénateur Grafstein a affirmé, bien qu'il n'ait pas eu les chiffres sous les yeux, qu'il s'était accompli beaucoup plus de progrès ces dernières années qu'on en reconnaissait le mérite aux Américains pour ce qui est de réduire l'écart entre les groupes des revenus les plus faibles et des revenus les plus élevés dans ce pays. Il y a eu échange d'arguments. Le sénateur Grafstein est resté sur ses positions. Il n'avait pas la documentation à ce moment-là, mais il assurait que ce qu'il avait dit était vrai. J'espère que nous pourrons conclure un jour ce débat avant que nous ne terminions nos travaux et en fassions rapport.

Il y a une autre observation qu'il vaut la peine de faire à propos du Canada, soit qu'il y a une polarisation croissante des emplois et des revenus dans notre pays. Je parle maintenant des gens qui ont un emploi. Il y a des gens chanceux au Canada: les gens qui travaillent dans le secteur public dans une large mesure, ceux qui occupent des emplois syndiqués dans le secteur privé, et d'autres qui occupent des emplois raisonnablement stables, raisonnablement bien rémunérés et assortis d'avantages sociaux convenables. Il y a par ailleurs un nombre sans cesse croissant de Canadiens qui sont des employés à temps partiel, occasionnels, temporaires, faiblement rémunérés, sans aucune sécurité et bénéficiant de très peu d'avantages sociaux.

Cette polarisation est, en elle-même, la cause, à mon avis, des graves tensions qui s'exercent actuellement sur la cohésion sociale du pays. Pourquoi les contribuables, au niveau de revenu dont parle le sénateur Atkins, devraient-ils tolérer encore longtemps une situation où leurs impôts serviront à payer aux fonctionnaires des salaires, des avantages, une sécurité d'emploi et des conditions de travail raisonnablement bons pendant qu'eux, à l'autre bout de l'échelle, tirent le diable par la queue même s'ils ont un emploi?

Certes, on m'a dit que c'était une hypothèse plutôt que la réalité, mais j'estime que certaines de ces conditions résultent des pressions de la mondialisation et de la technologie qui s'exercent sur notre société, ce qui explique pourquoi le comité travaille avec autant de diligence pour tenter, à tout le moins, de mieux comprendre le problème.

J'ajouterai en passant que j'ai remarqué, l'autre jour, que le gouvernement britannique avait présenté un projet de loi qui vise précisément à garantir certains avantages et certaines normes aux travailleurs à temps partiel, temporaires et occasionnels; ces garanties n'existaient pas jusque-là. Je n'ai pas eu l'occasion d'examiner le projet de loi, mais je pense que cela vaut amplement la peine.

(1650)

Sur la question de la compétence, je recommande aux honorables sénateurs d'étudier de plus près la prestation canadienne pour enfants. Celle-ci repose sur des fondations que le gouvernement précédent avait établies. Il y a un ou deux ans, le gouvernement actuel l'a raffinée et enrichie. Il a donné aux gouvernements provinciaux une certaine marge de manoeuvre pour qu'ils puissent aider les gens à quitter l'aide sociale pour trouver du travail. En d'autres mots, il a éliminé certains éléments qui pouvaient dissuader les assistés sociaux de trouver du travail. Aucun assisté social n'a vu sa situation se détériorer en raison du programme adopté par le gouvernement fédéral et les provinces. Les prestations d'aide sociale n'ont pas diminué. Cependant, la latitude accrue dont disposent les provinces leur permet de fournir des services de garde d'enfants et d'autres avantages susceptibles de convaincre les assistés sociaux d'entrer sur le marché du travail. L'impression que j'ai - et il vaudrait la peine de la faire confirmer par le ministère compétent -, c'est que le système fonctionne très bien. À première vue, il me semble que cela témoigne de bonnes relations fédérales-provinciales et également d'une bonne politique sociale. D'ailleurs, on pourrait trouver là un modèle pour d'autres initiatives fédérales-provinciales visant à alléger le problème auquel les sénateurs Lavoie-Roux, Atkins, Kinsella et Stewart ont fait allusion.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, si aucun autre sénateur ne désire la parole, le débat est considéré clos.

Sa Majesté la reine Élisabeth II

Félicitations à l'occasion du quarante-septième anniversaire de son accession au trône

L'honorable Anne C. Cools, ayant donné avis le mardi 9 février 1999:

Qu'elle attirera l'attention du Sénat sur le 47e anniversaire de l'accession de Sa Majesté la reine Élisabeth II au trône le 6 février 1952, et le service commémorant son accession qui a été célébré le 7 février 1999 à la cathédrale anglicane St. James de Toronto par son doyen, le très révérend Douglas Stoute.

- Honorables sénateurs, je prends la parole en l'honneur du 47e anniversaire de l'accession au trône de Sa Majesté la reine Élisabeth II. Le thème de mon discours sera «Le maître comme serviteur, le service public, la Reine et le Christ-Roi».

Honorables sénateurs, le concept de service public, tel que nous le connaissons, est fondé sur le service chrétien, la responsabilité civique et le constitutionnalisme britannique et canadien. Je parlerai des valeurs et des principes qui ont fondé, créé et soutenu le Dominion du Canada, conformément au psaume 72, verset 8, de la Bible du roi Jacques:

Il dominera d'une mer à l'autre.

Il nous faut insister sur le renouvellement et l'affirmation de ces notions de service public au Canada, à Dieu et à la Reine, particulièrement au moment où la situation politique du Canada est troublante et exige que nous nous y attardions. Mais il convient en premier lieu de revenir un peu sur l'histoire. Le terme «Dominion» a remplacé le terme «Royaume» au moment de l'ébauche de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, en 1867. La quatrième ébauche de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, publiée dans le livre de sir Joseph Pope intitulé: Confederation, précise ce qui suit:

Le mot «Parlement» s'entend de l'Assemblée législative ou du Parlement du Royaume du Canada.

Le mot «Royaume» signifie et comprend les provinces unies de l'Ontario, du Québec, de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick.

L'expression «Conseil privé» s'entend des personnes qui, à l'occasion, sont nommées par le Gouverneur général et qui prêtent serment de fournir aide et conseils au gouvernement du Royaume.

En ce qui concerne le passage du mot «Royaume» au mot «Dominion», sir John A. Macdonald, dans une lettre adressée à lord Knutsford et publiée dans une autre ouvrage de sir Joseph Pope intitulé: Correspondence of Sir John MacDonald, nous apprend à la page 450 ce qui suit:

Une grande occasion a été ratée en 1867 lorsque plusieurs provinces ont donné naissance au Dominion.

La déclaration par toutes les provinces adhérant à l'AANB qu'elles souhaitaient, en tant que dominion, continuer à faire partie de l'Empire, a montré ce que donnait un gouvernement sage et un traitement généreux, et aurait dû faire époque dans l'histoire de l'Angleterre. C'est probablement ce qui serait arrivé si lord Carnarvon, qui en sa qualité de ministre de la colonie avait assisté à la naissance du nouveau Dominion, avait conservé son poste. Sa démission inopportune a été suivie de la nomination de feu le Duc de Buckingham qui était conseillé par le Gouverneur général, lord Monck - deux hommes de valeur, certes, mais assez incapables, compte tenu de leur tournure d'esprit, de se montrer à la hauteur. Si une voie différente avait été empruntée, par exemple, si l'on avait déclaré que le Canada uni était un royaume auxiliaire, comme c'était le cas dans l'ébauche canadienne du projet de loi, je suis presque convaincu que les colonies australiennes auraient, avant cela, demandé à être placées au même rang que Le Royaume du Canada.

Il ajoute en post scriptum le dernier commentaire suivant:

P.S. En relisant ce qui précède, je me rends compte qu'on a ainsi l'impression que le changement de titre de Royaume à Dominion a été décidé par le duc de Buckingham. Il n'en est rien. Il a été fait à la demande de lord Derby, alors ministre des Affaires étrangères, qui craignait que le premier nom ne blesse la susceptibilité des Yankees. J'ai mentionné cet incident de notre histoire à lord Beaconsfield, à Hughenden, en 1879, qui a répondu: «J'ignorais ce fait, mais c'est bien dans la manière de Derby, un très brave type, mais qui vit dans un état de trouille perpétuelle.»

Honorables sénateurs, au sujet du leadership, du service et de l'épreuve, je citerai le Livre de Sirach, également appelé l'Ecclésiaste, chapitre 2, versets 1 à 5:

Mon fils, quand tu te présentes au service du Seigneur, prépare-toi aux épreuves.

Sois sincère de coeur et inébranlable, calme face à l'adversité.
Accroche-toi à lui, ne l'oublie pas; ainsi ton avenir sera grand.
Accepte tout ce qui t'arrive, dans le malheur sois patient;
Car l'or est épuré dans le feu, et les hommes braves dans le creuset de l'humiliation.
Honorables sénateurs, en 1984, ayant été convoquée au Sénat par le représentant de Sa Majesté, Son Excellence le Gouverneur général du Canada, je suis entrée dans la Chambre rouge du Sénat, notre Chambre haute, pour la première fois. J'ai posé la main droite sur la Bible et j'ai prêté le serment d'allégeance suivant:

Moi, Anne Clare Cools, jure fidélité et sincère allégeance à Sa Majesté la reine Élisabeth II...

J'ai pris ce serment très au sérieux. Un serment est une promesse, une déclaration solennelle où l'on invoque Dieu, un appel à Dieu.

Honorables sénateurs, dimanche dernier, la cathédraleSt. James, remplie de gens rassemblés là à l'appel de la Ligue monarchiste du Canada et d'autres sociétés loyales, a célébré le 47e anniversaire de l'accession au trône de la reine Élisabeth II, le 6 février 1952. Je me rappelle très bien de son couronnement, en 1953. Sa Majesté avait alors aussi prêté serment, le Serment du Couronnement, dans lequel elle s'engageait à être fidèle à ses sujets et à Dieu et à respecter les principes de la miséricorde et de la justice. J'avais neuf ans et j'étais à la Barbade. J'étais en première année au Queen's College, l'école de filles la plus ancienne de l'Empire britannique, située sur un terrain de plusieurs acres, avec terrains de jeux, terrains de hockey et trois courts de tennis. En l'honneur du couronnement de la reine Élisabeth II, mon école, le Queen's College, avait organisé un spectacle en plein air, une pièce où une élève, d'une classe supérieure, montée en amazone, jouait la reine Élisabeth Ire adressant à ses troupes en partance pour la bataille de Tilbury, en 1588, et attendant l'approche de l'armada espagnole, ce discours inspirant:

Je sais que j'ai le corps d'une femme faible et fragile,

mais j'ai le coeur et l'estomac d'un roi, et qui plus est d'un roi d'Angleterre
et je mets au défi Parme, l'Espagne ou tout autre prince d'Europe
d'oser envahir les frontières de mon royaume.
La reine Élisabeth Ire a déclaré que le leadership est une question de coeur, d'estomac, de courage, de devoir et de service envers Dieu, la reine et le pays. La souveraine, la guerrière en chef, commandait les troupes qui combattaient et tombaient, comme l'exigait leur devoir de soldat. En tant que femme, la reine Élisabeth Ire était exempte du devoir de soldat, mais en tant que reine et commandante, elle rencontrait personnellement ses troupes, ses guerriers. Le Canada a envoyé un grand nombre de soldats, des jeunes, faire les deux guerres mondiales et y mourir. Ces soldats ont combattu et sont morts pour leur Dieu, leur roi et leur pays. Nous leur devons beaucoup.

(1700)

Honorables sénateurs, la fonction publique et les devoirs civiques étaient des thèmes importants qui sont souvent revenus dans mes lectures d'enfant à la Barbade, remplies des histoires de Charles Dickens, de Charles Kinsley et de bien d'autres. J'ai adoré l'histoire de Tom, le petit ramoneur présenté par Kingsley dans The Water Babies. Imaginez un peu des petits enfants qui se retrouvent à l'intérieur de cheminées noires et dangereuses. J'ai entendu des histoires de grands réformateurs sociaux britanniques du XIXe siècle. Les noms des parlementaires lord Shaftesbury et William Wilberforce laissent toujours planer une certaine atmosphère de magie. Tous deux étaient de grands chrétiens, ou plutôt des évangélistes anglicans. On parle encore de l'oeuvre de lord Shaftesbury auprès des retardés mentaux, des indigents, des travailleurs d'usines et des enfants au travail. Les efforts menés sans relâche par William Wilberforce tout au long de sa vie en vue de l'abolition du commerce des esclaves et de l'esclavage sont également entrés dans l'histoire. Ses efforts ont porté fruit. Il a été témoin de l'abolition du commerce des esclaves en 1807, mais il est malheureusement mort quelques jours avant l'abolition officielle de l'esclavage et l'adoption de l'Emancipation Bill de 1833. Les activités qu'il a menées au Parlement pour l'amélioration de la condition des esclaves ont constitué le travail de sa vie, son but, son pèlerinage.

Quelques jours avant sa mort, en mars 1791, le révérend John Wesley, ministre anglican et fondateur de l'Église méthodiste, a écrit à William Wilberforce. Sa lettre est publiée dans The Life of Wilberforce, de Samuel Wilberforce. Wesley écrivait:

Je ne vois pas comment vous pourriez mener à bonne fin la glorieuse entreprise de vous opposer à cette exécrable infamie, ce scandale de la religion, de l'Angleterre et de la nature humaine. À moins que Dieu ne vous ait élevé dans ce but précis, vous serez écrasé par l'opposition des hommes et des forces du mal, mais si Dieu est avec vous, qui pourrait être contre vous... Au nom de Dieu, et dans sa toute puissance, poursuivez votre oeuvre jusqu'à ce que même l'esclavage américain, la pire forme de ce mal qui ait jamais vu le jour, soit éliminé. Que Celui qui vous a guidé depuis votre jeune âge puisse continuer à vous donner la force nécessaire en toutes choses, c'est la prière de votre affectueux serviteur. JOHN WESLEY

Le révérend John Wesley prévenait Wilberforce du danger qu'il y a à croire en sa propre vertu et en sa propre valeur. Il faisait valoir qu'il faut la grâce de Dieu pour lutter contre le mal et l'inaptitude humaine. John Wesley était très influent dans ma Barbade natale, qui est aussi le lieu de naissance du révérend Douglas Stoute, doyen de la cathédrale St. James et ministre officiant à cette cérémonie.

Ma mère était méthodiste. Une fervente méthodiste. Je partage cette ferveur, car je comprends tellement bien que, même avec toute la force de la vérité, de la droiture et du sens de la justice de son côté, et même avec tous les arguments rationnels et le pouvoir d'une éloquence émouvante pour soi, la victoire et la justice sont incertaines. Souvent, elles sont insaisissables et fugitives, pour des raisons que nous connaissons tous. L'esprit humain, la nature humaine ne sont pas exempts de ruse. La fragilité humaine, la faiblesse, la lâcheté, la vanité et les insuffisances sont à l'origine d'une multitude d'injustices.

Honorables sénateurs, permettez-moi maintenant de passer à la situation politique du Canada. J'entends souvent des appels à l'abolition du Sénat. J'entends aussi des appels, venant parfois des mêmes milieux, à l'abolition de la monarchie. On voudrait que le Canada soit privé de sa reine. La plus belle réalisation de notre régime constitutionnel, c'est notre système de gouvernement responsable, «la Reine en Parlement». Cette expression désigne le gouvernement, le Cabinet, dont les membres sont issus des rangs des députés élus et réunis en Parlement, et qui est politiquement comptable au Parlement, dont il doit avoir la confiance.

Je considère ces appels comme des méfaits, comme du vandalisme constitutionnel, comme un vandalisme qui a pour cible l'histoire et la culture du Canada. Ceux qui préconisent ces changements, même lorsqu'ils sont députés aux Communes, comme Roger Gallaway, suscitent l'inquiétude; lorsqu'ils sont membres de notre Cabinet, tels les ministres Lloyd Axworthy, Stéphane Dion et John Manley, ils provoquent l'indignation.

Le principe était que le Cabinet parle d'une seule voix et que les ministres, comme les sénateurs, prêtent serment à la reine. On propose de déposséder les Canadiens de leur héritage et de leurs institutions, de les appauvrir, de les couper de leur histoire. C'est du vandalisme. Le Canada a un seul Parlement. L'article 17 de la Loi constitutionnelle de 1867, anciennement l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867, précise ce qui suit:

Il y aura, pour le Canada, un parlement qui sera composé de la Reine, d'une Chambre haute appelée le Sénat, et de la Chambre des Communes.

Le Parlement est indivisible. Ces députés et ces ministres n'offrent aucune explication sur la signification véritable et les conséquences réelles de leurs propositions, qui tendent à instaurer un ordre social entièrement différent. Je n'appuie ni l'une ni l'autre de ces propositions.

Un Parlement sans reine ou sans Sénat n'est pas un Parlement. Le problème est que les apôtres de ces propositions ne nous disent pas ce que serait le Parlement sans le Sénat et sans monarque. Je soutiens qu'il ne peut y avoir de Parlement sans monarque ou sans Sénat. Je soutiens que le Parlement du Canada est indivisible comme le Canada est indivisible. La déconstruction du Parlement est synonyme de la déconstruction du Canada.

La déconstruction du Canada se voit dans les transformations que subissent les institutions de la société civile, particulièrement la famille, mais aussi le pouvoir judiciaire qui fait preuve d'activisme en droit familial. J'ai été peinée de voir le Parlement et les tribunaux tant hésiter à reconnaître le fait que les enfants du divorce ont besoin de leurs deux parents. À ce sujet, j'ai adopté comme position le fait que les enfants du divorce ont droit à l'amour et à l'appui de leurs deux parents, de leur mère et de leur père. Les pères et les grands-pères ne doivent pas être tout simplement bannis de la vie des enfants. La Loi sur le divorce et le Parlement n'ont jamais eu l'intention de priver les enfants de leurs parents ni de priver les parents de leurs enfants. J'ai soutenu que le Parlement et les tribunaux doivent reconnaître le fait que les enfants du divorce ont besoin de leurs deux parents. J'ai également affirmé que les hommes comme les femmes sont capables d'être de bons parents, tout comme ils sont capables d'être de mauvais parents. J'ai réfuté le concept de la supériorité morale d'un des deux sexes, l'hypothèse que les femmes sont moralement supérieures aux hommes, l'hypothèse que les hommes sont moralement inférieurs aux femmes ou que les hommes sont déficients sur le plan moral. En tant que chrétiens, nous savons que le péché est une tare de la condition humaine, qui afflige tout autant les femmes que les hommes. J'épouse la cause des enfants du divorce, en me fondant sur le concept de la prérogative royale de Sa Majesté la Reine en tant que parens patriae, le parent suprême de la nation, des vulnérables, de ceux qui ont le plus besoin de sa protection, les enfants. La protection de l'enfant est apparue dans la jurisprudence des tribunaux relevant du premier représentant de la Reine, le lord chancelier, à la Cour de chancellerie et au tribunal d'équité, tant au Royaume-Uni qu'au Canada. Cette jurisprudence de la fin du XIXe siècle fait état du bien-être et de l'intérêt de l'enfant. J'ai simplement soutenu que la théorie parens patriae de la reine et l'intérêt de l'enfant ont toujours supposé l'intérêt de l'enfant dans la participation significative des deux parents, père et mère, dans la vie de l'enfant.

La reine est le premier parent de tous les enfants du pays. En tant que parlementaires, nous en sommes les gardiens. Selon le psaume 127, verset 3 de la Good News Bible:

Voici, des fils sont un héritage de l'Éternel,

Le fruit des entrailles est une récompense. La nature humaine est imparfaite. Par conséquent, les dirigeants de la société sont imparfaits. Il est donc impératif que les dirigeants aspirent à des idéaux et des principes qui sont plus élevés que ceux de leur nature humaine. Les dirigeants doivent porter l'allégeance et la loyauté à un centre plus élevé que celui qu'ils peuvent contrôler. Autrement, le leadership repose sur l'intérêt personnel, les caprices, l'orgueil et les ambitions personnelles, ce que saint Augustin qualifiait de libido dominandi, la volonté de dominer, d'exercer son pouvoir.

Nous devons comprendre les côtés sombres et les côtés lumineux des êtres humains. La capacité de faire le mal et la capacité de faire le bien coexistent chez les êtres humains. Voilà pourquoi lord Acton écrivait, à propos de l'exercice du pouvoir et du leadership:

Le pouvoir a tendance à corrompre et le pouvoir absolu corrompt absolument.

Malheur au leader ou au politicien qui ne tient aucun compte de ces paroles. Le leadership doit se guider sur des principes et des concepts qui sont clairs et connus de tous, qui s'enracinent dans le sens du devoir public, du service public et de l'amour. Pour nous, il s'agit des principes chrétiens issus des traditions judaïque, chrétienne et islamique. Pour nous guider, nous pouvons nous inspirer d'Abraham, d'Isaac, de Jacob, de Jésus et d'Ismaël, l'enfant issu de l'union d'Abraham avec Hagar. Ces principes sont non négociables à mes yeux.

De plus, ils sont inscrits dans la Loi constitutionnelle de 1982, dans le préambule de la Charte des droits et libertés qui s'énonce ainsi:

Attendu que le Canada est fondé sur des principes qui reconnaissent la suprématie de Dieu et la primauté du droit.

Je suppose que tout ce que je puis dire, c'est credo, je crois, avec le symbole des Apôtres, Dieu le Père, le Fils et le Saint-Esprit.

La reine Elizabeth II incarne, de son mieux, les idéaux du service public dans le Christ-Roi. Elle est une grande femme, une grande reine et une grande servante. Dieu bénisse la reine!

Dans l'Épître aux Romains, chapitre 12, verset 5, on lit:

Ainsi nous, à plusieurs, nous ne formons qu'un seul corps dans le Christ, étant, chacun, pour sa part, membres les uns des autres.

Honorables sénateurs, nous sommes tous unis les uns aux autres.

Je voudrais remercier les honorables sénateurs. J'ai assisté à cette célébration, dimanche dernier. Elle était magnifique. En fait, j'étais invitée d'honneur. J'ai prononcé l'homélie.

La musique était spectaculaire. Le directeur musical était M. Giles Bryant et l'organiste, Christopher Dawes. La chorale était exceptionnelle. Je vous invite tous à célébrer plus souvent les grandes choses qui se passent au Canada et dans notre vie, dans la louange, le chant et la prière.

(1710)

L'honorable Shirley Maheu (Son Honneur le Président suppléant): Si aucun autre sénateur ne désire prendre la parole, le débat sur cet article est considéré clos.

La société de développement du cap-breton

Motion de production de documents relatifs à la privatisation proposée-Ajournement du débat

L'honorable Lowel Murray, conformément à l'avis du 3 février 1998, propose:

Qu'il soit déposé devant cette Chambre tous les documents et dossiers concernant la privatisation éventuelle de Devco, y compris:

a) les études, les analyses, les rapports et les autres initiatives de politique préparées par le gouvernement ou pour son compte;

b) les documents et les dossiers qui révèlent les noms de tous les consultants qui ont travaillé sur le sujet et les paramètres du contrat pour chacun d'eux, la valeur du contrat et les renseignements concernant la question de savoir si le contrat a fait l'objet d'un appel d'offres;
c) les documents d'information pour les ministres, leurs agents, leurs conseillers, leurs consultants et autres;
d) les procès-verbaux des réunions ministérielles, interministérielles et autres;
e) les communications entre le ministère des Ressources naturelles, le ministère des Finances, le Conseil du Trésor, le Bureau du Conseil privé et le cabinet du leader du gouvernement au Sénat.
- Honorables sénateurs, peu avant Noël, j'ai soumis, au titre de la Loi sur l'accès à l'information, deux demandes de documents touchant la Devco.

La première tendait à obtenir des renseignements concernant le célèbre sondage effectué par le gouvernement de la Nouvelle-Écosse, dont certaines parties ont été coulées aux médias de façon stratégique par le ministère des Ressources naturelles de la Nouvelle-Écosse. J'ai cherché à obtenir une copie du questionnaire, de l'échantillon qui avait été retenu relativement aux diverses régions de la Nouvelle-Écosse - les réponses à toutes les questions sont ventilées de cette façon - et, bien entendu, du rapport que la firme de sondage avait remis au gouvernement. Je suis heureux de dire qu'à peu près tous les renseignements m'ont été fournis par le ministère des Ressources naturelles et ce, dans le délai prévu, à savoir avant la reprise des travaux du Sénat au début de février.

Ma deuxième demande portait sur tous les rapports, documents et le reste sur la privatisation possible de la Devco. Cette demande a été transmise à plusieurs ministères, y compris les Ressources naturelles, les Finances et le Conseil du Trésor. Les documents arrivaient plutôt lentement, et c'est pourquoi j'ai présenté la motion dont nous discutons. Plusieurs ministères auxquels j'ai envoyé cette demande ont réclamé de 30 à 45 jours de plus pour regrouper les documents.

Le ministère des Ressources naturelles m'a fait parvenir des documents comportant de grands passages censurés. On invoquait différentes exemptions de la Loi sur l'accès à l'information. Comme le savent les honorables sénateurs, ces exemptions incluent les documents confidentiels du Conseil privé, les communications entre un avocat et son client, l'information concernant des tiers, l'information de nature commerciale, les avis donnés aux ministres et le reste. Ce que j'ai reçu jusqu'à maintenant du ministère des Ressources naturelles se résume à une série de coupures de journaux, des transcriptions textuelles des délibérations de comités du Sénat, bref, des documents qui m'étaient de toute manière accessibles, ainsi que toute une pile de feuilles parsemées de larges espaces blancs où on a inscrit l'article de la Loi sur l'accès à l'information invoqué par le gouvernement.

J'ai le droit, comme tout autre citoyen, d'interjeter appel auprès du commissaire à l'information et d'exiger que l'on ne tienne pas compte de certaines de ces exemptions. J'envisagerai cette possibilité lorsque j'aurai reçu une réponse intégrale de tous les ministères intéressés, et je le ferai en étant animé d'un certain degré de confiance parce que le commissaire à l'information, comme le savent mes collègues, est un ancien parlementaire éminent, l'honorable John Reid, qui comprend, à mon avis, la nécessité pour les parlementaires d'obtenir des renseignements complets afin d'être en mesure de discuter intelligemment des décisions et des politiques du gouvernement, particulièrement des décisions importantes comme celle-ci, qui touche comme elle le fait un si grand nombre de nos concitoyens du Cap-Breton et de l'est de la Nouvelle-Écosse.

J'ai inscrit cette motion au Feuilleton et je vous ai donné ces renseignements généraux parce je veux faire ressortir une chose à ce sujet. Si vous avez des questions concernant cette intervention, sans doute qu'un parlementaire possédant plus d'expérience me corrigera. Je soutiens qu'une motion demandant la production de documents, comme celle que j'ai fait inscrire au Feuilleton et dont vous êtes saisis, constitue une arme beaucoup plus puissante qu'une simple demande en vertu de la Loi sur l'accès à l'information. En qualité de parlementaires et de sénateurs ou de députés, nous ne sommes absolument pas limités, à mon avis, par les exemptions dont dispose le gouvernement en vertu de la Loi sur l'accès à l'information. Je sais qu'il existe diverses conventions régissant ce que le gouvernement peut déposer au Parlement, mais elles sont loin d'être aussi vastes que les exemptions dont le gouvernement peut se prévaloir en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

J'ai présenté cette motion demandant le dépôt de tous les documents, communications et messages, notamment, ayant trait à ce sujet en croyant être en terrain solide pour le faire et que pareille motion me permettrait de recueillir bien plus de documents que ne l'a permis jusqu'à maintenant un recours à la Loi sur l'accès à l'information. Attendons.

D'après ce qu'a dit le leader adjoint du gouvernement l'autre jour, le gouvernement n'a aucune objection à ce que la motion soit adoptée, et nous verrons ce qu'elle donnera. Entre-temps, je vais attendre le résultat de mon recours à la Loi sur l'accès à l'information, après quoi je déterminerai s'il faut que j'interjette appel. Si la présente motion a l'effet escompté, je n'aurai sans doute pas besoin de le faire.

(Sur la motion du sénateur Carstairs, au nom du sénateur Graham, le débat est ajourné.)

(Le Sénat s'ajourne au mardi 16 février 1999, à 14 heures.)


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